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Détricotage

Révision de la PAC : les eurodéputés votent pour calmer la colère agricole au détriment de l’environnement

Le texte proposé en urgence face à la fronde agricole a été validé par le Parlement européen mercredi, au grand dam des élus et d’organisations écologistes qui dénoncent un «détricotage» des mesures environnementales.
A Bruxelles, les agriculteurs manifestaient lors d'un sommet du Conseil européen, le 1er février 2024. (Sophie Hugon/Hans Lucas.AFP)
publié le 25 avril 2024 à 12h53

Sans surprise, les eurodéputés ont profité de leur dernière session parlementaire avant les élections européennes de juin pour valider mercredi 24 avril les propositions de la Commission sur la «simplification» de la politique agricole européenne (PAC). S’il avait fallu trois ans de négociations pour aboutir à ce texte entré en vigueur en 2023, il aura suffi d’une crise agricole européenne majeure et de quelques semaines pour réviser en urgence les principales mesures vertes de la PAC. Adopté à une très large majorité (425 votes pour, 130 contre et 33 abstentions), le texte supprime complètement l’obligation de laisser au moins 4 % des terres arables en jachères ou surfaces non productives (haies, bosquets, mares…) et revient également sur l’obligation de rotation des cultures, qui permet notamment de réduire l’utilisation de pesticides, pour la remplacer par la «diversification» qui permet, elle, simplement d’éviter les risques engendrés par la monoculture.

«Bon sens» contre «détricotage»

Ce sont plusieurs mesures phares de l’architecture verte de la PAC, qui conditionnaient le versement des aides au bon respect de certaines règles environnementales, qui ont été rabotées en quelques semaines. Ainsi, en cas d’épisodes climatiques extrêmes, des dérogations sont possibles pour éviter des pénalités et les exploitations de moins de 10 hectares seront exemptées de contrôles et de sanctions liés aux règles environnementales. Si les associations et élus écologistes se sont insurgées contre ce «détricotage environnemental», le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, s’est réjoui sur X (anciennement Twitter) de ce vote qualifié d’«étape importante et très attendue par les agriculteurs français et européens», soulignant que la France avait été «à la pointe du combat pour la simplification des règles européennes».

Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne et ancienne patronne de la FNSEA, a remercié les eurodéputés qui ont adopté «ces mesures de bon sens attendues par les agriculteurs», tandis que l’eurodéputée Anne Sander (membre du PPE, droite, premier groupe au Parlement) a salué «une réponse concrète au ras-le-bol des agriculteurs qui n’en peuvent plus de ce millefeuille administratif».

«Revers important pour la transition»

Pascal Canfin, membre de la majorité et président de la commission environnement, s’est abstenu lors du vote, s’opposant particulièrement, selon le journal en ligne spécialisé Contexte, à l’assouplissement de la règle sur les jachères pourtant portée par la France. «Je ne peux qu’être en désaccord avec cette logique radicale qui revient sur dix ans de conditionnalité», a-t-il déclaré.

De l’autre côté de l’hémicycle, le socialiste Christophe Clergeau a souligné que tous les eurodéputés socialistes français ont voté de concert avec les Verts et la gauche pour s’opposer au texte. «Cette initiative sape les stratégies de l’UE en matière de climat, de biodiversité et de protection des sols», a déploré l’écologiste Benoît Biteau. Dans un communiqué, il a souligné qu’«aucune mesure significative n’[était] envisagée pour améliorer les revenus des agriculteurs et agricultrices». Pour Marco Contiero, directeur de la politique agricole européenne de Greenpeace, ce détricotage «ne sauvera pas les agriculteurs et nous rendra tous plus vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes qui détruisent les récoltes et les moyens de subsistance». La Ligue pour la protection des oiseaux, de son côté, a dénoncé «ce vote d’urgence [qui] constitue un revers important pour la transition vers une agriculture européenne durable, respectueuse du climat et de la biodiversité». Alors que la réforme doit encore être adoptée formellement par le Conseil européen pour entrer en vigueur, Benoît Biteau a indiqué à Contexte que son groupe travaille d’ores et déjà sur un recours. Il s’appuie pour cela, explique-t-il à Libé, sur une note du service juridique du Parlement européen qui estime, faute d’étude d’impact, «ne pas être en mesure d’évaluer» la conformité de cette révision avec plusieurs textes européens fixant les cibles climatiques de l’UE ou ses objectifs budgétaires sur l’environnement.