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Environnement

Un projet de 30 nouvelles méga-bassines agricoles validé par le gouvernement dans la Vienne

Avec l’accord de Matignon, la préfecture viennoise a entériné la création de retenues destinées à stocker 8,8 millions de mètres cubes d’eau. Malgré une manifestation le week-end dernier contre un projet similaire dans les Deux-Sèvres voisines, les agriculteurs mettent en avant la nécessité de ces réserves.
Une bassine déjà existante dans la Vienne, à Mauzé-sur-le-Mignon. (Laetitia Notarianni/Divergence)
publié le 4 novembre 2022 à 10h15

Après les Deux-Sèvres, la Vienne s’apprête à être bassinée. Un nouveau protocole de gestion de l’eau a été validé jeudi, prévoyant la construction de 30 réserves dédiées à l’irrigation agricole. Une décision qui intervient quelques jours seulement après une manifestation contre un projet similaire de méga-bassine dans les Deux-Sèvres voisines. Bilan du week-end à Sainte-Soline : des blessés des deux côtés et un ton qui se durcit côté gouvernement, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin martelant qu’il ne «[veut] pas d’une ZAD» et fustigeant «l’écoterrorisme» des opposants.

Le projet viennois, le deuxième du genre en Nouvelle-Aquitaine, table notamment sur la construction de 30 retenues dans le bassin du Clain – contre 41 dans la précédente mouture, rejetée en juillet par la chambre d’agriculture et certaines collectivités. Ces retenues sont destinées à «prélever et stocker l’eau l’hiver» pour la restituer aux agriculteurs, afin qu’ils irriguent leurs cultures en période estivale. En tout, 8,8 millions de mètres cubes d’eau pourraient être mis à la disposition de 153 exploitations agricoles viennoises. A titre de comparaison, à Sainte-Soline, le projet de retenues d’eau prévoit de stocker 6,9 millions de mètres cubes d’eau.

En contrepartie, les bénéficiaires s’engagent à réduire de 40 % leurs prélèvements en eau durant l’été, de 50 % leur usage de pesticides, ainsi qu’à restaurer 22 kilomètres de cours d’eau et 100 kilomètres de haies dans la zone, selon la préfecture. Ce protocole «garantit l’avenir de notre agriculture» car «il s’appuie sur trois piliers : l’évolution des pratiques, la préservation des milieux aquatiques et enfin la sécurisation de ces pratiques par le stockage de l’eau», a affirmé le préfet, Jean-Marie Girier.

Ce contrat territorial a été signé par la préfecture, le département, les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs, la chambre d’agriculture régionale, le syndicat des Eaux de Vienne et une quinzaine de communes et intercommunalités de la zone. «La signature de ce soir se fait avec l’accord du ministre de l’Agriculture, de la ministre de la Biodiversité et l’accord de Matignon», a souligné le préfet.

Le projet soulève toutefois déjà plusieurs oppositions. L’agglomération du Grand Poitiers, à majorité gauche écologiste, la chambre d’agriculture départementale, dirigée par la Coordination rurale, et la fédération de pêche locale n’ont pas signé l’accord. A Poitiers, un rassemblement a eu lieu devant la préfecture jeudi soir, à l’initiative du collectif les Soulèvements de la Terre, contre la signature de l’accord.

Les bassines de Clain arrivent dans un contexte plus que troublé. Les opposants à celle de Sainte-Soline, dans le département voisin des Deux-Sèvres, ont réclamé au gouvernement un moratoire sur ces projets de stockage d’eau à usage agricole.

Interrogée mercredi sur le sujet par le sénateur Claude Malhuret, la Première ministre Elisabeth Borne a rappelé que le projet de Sainte-Soline avait «fait l’objet de concertations longues et approfondies». «Grâce à ces discussions, le projet a été fortement modifié, je peux en témoigner en tant qu’ancienne préfète de la région Poitou-Charentes, a développé la cheffe du gouvernement. […] Ce projet s’inscrit dans le cadre du projet de territoire pour la gestion de l’eau qui a été approuvé en 2019 à la quasi-unanimité des collectivités bien sûr, mais aussi des associations de protection de l’environnement.» Il «va permettre de réduire les prélèvements dans les milieux naturels, c’est un projet responsable qui lie la réalisation des réserves à des engagements environnementaux pris par les agriculteurs», a-t-elle ajouté.

Les partisans de ces réserves en font une condition de survie pour l’agriculture face aux sécheresses à répétition et sont engagés à se tourner vers des pratiques agroécologiques. Ses détracteurs y voient à l’inverse un «accaparement de l’eau» et une «fuite en avant» du modèle agricole productiviste, doublé d’une aberration écologique à l’heure du changement climatique.