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Chocolat : cabosse dur pour trouver une solution plus saine et écolo

Des scientifiques suisses ont élaboré un chocolat produit entièrement avec le fruit du cacaoyer, sans ajout de sucre. Une recette qui se veut plus durable, mais dont le procédé comporte des limites.
La recette développée par des scientifiques suisses permet de diminuer le gaspillage inhérent à la confection du chocolat. (Rob Engelaar/ANP.AFP)
par Eliott Repolt
publié le 6 juin 2024 à 17h46

C’est sans surprise en Suisse qu’un groupe de chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETH) a mis au point une recette de chocolat plus durable et plus sain. En effet, la culture du cacaoyer est l’une des plus polluantes qui soit. Dans une étude publiée fin mai dans la revue Nature, ces scientifiques, associés à deux confrères travaillant pour les chocolatiers Max Felchlin et Koa Switzerland, estiment que la production d’un kilo de chocolat noir peut émettre jusqu’à 47 kilos de CO2. A cela s’ajoute le gaspillage inhérent à la confection du chocolat : près de 75 % de la cabosse est jetée ou utilisée pour de l’engrais. «Le fruit du cacaoyer est, en gros, une citrouille et pour l’instant nous n’en utilisons que les graines», affirme ainsi Kim Mishra, auteur principal de l’étude et technologue alimentaire à l’ETH, dans un entretien au quotidien britannique The Guardian.

Plus de fibre, moins d’acide gras saturé

Les scientifiques ont donc exploité l’endocarpe (la partie interne du fruit la plus proche de la graine). Après avoir été séchée et broyée, cette partie de la cabosse est ensuite mélangée à la pulpe du fruit pour obtenir un gel. Ce dernier, contenant environ 20 % de plus de fibres qu’un chocolat traditionnel, selon un communiqué de presse de l’ETH, est également plus faible en acide gras saturé. Ce nouveau mélange, pouvant représenter jusqu’à 20 % du poids du chocolat, améliore donc sa valeur nutritionnelle, puisqu’il vient se substituer à l’ajout de sucre. Kim Mishra assure que le goût de sa recette de laboratoire reste «fondamentalement identique» à celui du chocolat conventionnel. Elle pourrait donc satisfaire les Français, qui selon le Syndicat du chocolat, consomment chaque année 7 kilos de cette friandise.

Une refonte totale de la chaîne de production

Cité par The Guardian, Alejandro Marangoni, qui travaille au département des sciences alimentaires à l’université canadienne de Guelph et n’a pas participé à l’étude, estime que la mise en œuvre de ce nouveau procédé «profiterait aux pays [producteurs de cacao]» et pourrait à terme bénéficier aux cacaoculteurs, leur permettant de diversifier leur activité et de bénéficier d’un revenu supplémentaire. Cela nécessiterait cependant la refonte totale de la chaîne de production, les fèves de cacao étant aujourd’hui majoritairement exportées avant d’être torréfiées et transformées en chocolat. L’étude révèle également que cette méthode réduit la consommation d’eau et de terres agricoles. Bémol, le séchage des cabosses, gourmand en énergie, entraîne une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Les auteurs estiment qu’il faudrait intensifier la production et utiliser des énergies renouvelables comme l’énergie solaire pour réduire l’impact environnemental de ce procédé. Si l’étude conclut qu’il existe un «besoin urgent de transformer la chaîne de valeur du cacao», l’industrialisation de ce nouveau chocolat pourrait prendre de nombreuses années.