Nouvel épisode du scandale de l’eau minérale. L’association Foodwatch a déposé plainte mercredi 25 septembre à Paris pour obtenir qu’un juge d’instruction se penche sur les pratiques présentées comme frauduleuses du géant Nestlé et du groupe Sources Alma concernant le traitement de leurs eaux en bouteilles. En janvier, Radio France et le Monde avaient révélé le recours en France pendant de nombreuses années à des traitements interdits pour purifier des eaux minérales vendues en bouteille, notamment par Nestlé Waters.
Le groupe avait alors reconnu avoir recouru à des systèmes de désinfection interdits (lampe UV, charbon actif) pour maintenir la «sécurité alimentaire» de ses eaux des Vosges (Vittel, Contrex et Hépar). Il a réaffirmé mercredi «que la sécurité alimentaire et la qualité de ses eaux minérales naturelles avaient toujours été garanties, et que leur composition minérale unique avait toujours été préservée telle qu’elle figurait sur les étiquettes.»
Deux millions d’euros d’amende
Foodwatch avait déposé une première plainte à Paris visant Nestlé Waters et Sources Alma (qui détient les marques Cristallines, St-Yorre et Vichy, entre autres), transférée par le parquet de la capitale à celui d’Epinal, qui avait déjà ouvert une enquête préliminaire pour tromperie visant le géant suisse.
Cette enquête s’est terminée par la signature le 10 septembre d’un accord entre Nestlé et le tribunal judiciaire d’Epinal, par lequel le groupe a accepté de payer deux millions d’euros d’amende ainsi qu’à «réparer l’impact écologique» en échange de l’abandon de toutes poursuites pénales pour les faits commis dans les Vosges.
Mercredi matin, l’association de défense des consommateurs a annoncé à l’AFP avoir déposé vers 10 heures deux nouvelles plaintes, cette fois avec constitution de partie civile, ce qui permet généralement d’obtenir la désignation d’un juge d’instruction. Parmi les nombreuses infractions visées figure celle de tromperie.
Au rapport
«Une affaire de fraude massive»
Pour Foodwatch, cet accord judiciaire à Epinal est venu «mettre sous le tapis toute action publique à l’encontre de Nestlé Waters Grand Est» et «permet à la multinationale de s’en tirer en sortant le chéquier» dans une «affaire de fraude massive qui touche le monde entier depuis des décennies».
Le groupe Alma avait lui indiqué à l’AFP que cette procédure pénale portait sur des «faits anciens et isolés propres à certains sites de production» sans concerner sa marque phare, Cristalline. Contacté mercredi, il n’a pas commenté.
Pour Foodwatch, il y a matière à enquêter plus loin concernant les deux groupes. L’association de défense des consommateurs évoque des «injections de gaz carbonique dans l’eau Châteldon naturellement gazeuse» un «recours à du sulfate de fer pour réduire la présence d’arsenic sur le site de St-Yorre et Vichy Célestins» de la «fraude organisée en recourant à des traitements illégaux depuis des décennies chez Nestlé» et une «opacité sur le risque sanitaire».
Elle s’interroge aussi sur «la complaisance de l’Etat dans cette affaire» qui «pose la question de sa responsabilité». De premières alertes avaient déjà eu lieu sur ce sujet : en novembre 2022 : Médiacités avait indiqué que la répression des fraudes enquêtait sur les productions des eaux St-Yorre, Vichy Célestins et Châteldon, propriétés de Sources Alma, et notamment sur «l’adjonction dissimulée de gaz carbonique industriel et d’une substance chimique interdite».
La même année, au mois de juillet, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), tenu secret jusqu’en janvier dernier, avait aussi alerté l’administration sur ce recours à des traitements interdits pour purifier les eaux minérales, qui était évalué à environ un tiers des marques en France, une fourchette basse vu que de telles pratiques étaient «délibérément dissimulées». Toujours courant juillet, c’est la Commission européenne qui a estimé que le système de contrôle français des eaux en bouteille était entaché de «sérieuses lacunes».
Mediapart de son côté évoque un autre rapport d’enquête plus ancien encore, datant d’avril 2024 et produit par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), d’après lequel Nestlé Waters aurait eu recours à ces traitements interdits pour ses trois eaux minérales vosgiennes depuis au moins une quinzaine d’années. Le bénéfice procuré à l’entreprise était évalué dans ce rapport à 3 milliards d’euros, un chiffrage contesté par Nestlé Waters.