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Huiles, beurre, lait infantile, poulet : Greenpeace veut bannir l’hexane, «de l’essence dans nos assiettes»

L’ONG lance une alerte sanitaire dans un rapport publié lundi 22 septembre et réclame l’interdiction de ce solvant dérivé du pétrole utilisé pour fabriquer de l’huile et présent sous forme de traces dans de nombreux aliments. L’industrie alimentaire conteste sa dangerosité.

Pendant un an, l’association a enquêté et mené une campagne de tests sur l'hexane, ce produit chimique invisible. (Saga/Libération)
Publié le 23/09/2025 à 11h22

L’ONG Greenpeace France demande, dans un rapport publié lundi 22 septembre, l’interdiction de l’hexane, un solvant issu de la distillation du pétrole et utilisé dans l’agroalimentaire pour extraire l’huile de graines de colza, de soja ou de tournesol. Le liquide, bon marché et recyclable, sert aussi à fabriquer de la margarine, du beurre de cacao, des produits protéinés au soja, des farines végétales, du lait infantile, des aliments à base de céréales pour enfants ou les tourteaux servis au bétail.

Pendant un an, l’association a enquêté et mené une campagne de tests sur ce produit chimique invisible, dont Libération avait révélé, il y a un an, l’inquiétude qu’il suscite parmi les experts sanitaires européens, actuellement en train de réévaluer son profil de sécurité.

Les analyses conduites par Greenpeace confirment sa présence dans nos assiettes alors même qu’il ne figure pas sur les étiquettes. «Sur 56 produits alimentaires testés, 36 contiennent des résidus d’hexane, dont des huiles, du beurre, des laits, y compris infantiles, ainsi que du poulet», dévoile l’ONG. Toutefois, les quantités relevées (entre 0,05 et 0,08 mg /kg pour les huiles testées) sont très inférieures aux seuils réglementaires (1 mg /kg). Ces valeurs limites sont contestées par certains experts et jugées «obsolètes» par l’ONG.

Dans son rapport, Greenpeace appelle donc «les pouvoirs publics français et européens à prendre leurs responsabilités et à agir immédiatement pour protéger la santé de la population et mettre fin à l’usage de ce solvant dangereux», d’autant plus urgemment que des alternatives existent. Et de marteler : «Cet hydrocarbure est une substance neurotoxique avérée, suspectée d’être reprotoxique et un potentiel perturbateur endocrinien.»

«Aucune alerte sanitaire»

Ces accusations ont le don d’agacer l’industrie agroalimentaire, qui les juge alarmistes et infondées. «Il n’y a aucune alerte sanitaire concernant l’hexane», réagit auprès de l’AFP Hubert Bocquelet, de la Fédération nationale des corps gras, le porte-voix des entreprises du secteur. «Dire qu’il y a du pétrole dans les assiettes est complètement faux. L’hexane est éliminé, il n’est plus présent dans les produits mis à la consommation, si ce n’est sous forme de traces résiduelles», poursuit-il.

C’est un des points qui fait débat : le manque de transparence. Pourquoi les consommateurs n’ont-ils jamais entendu parler de cette substance absente des étiquettes ? L’hexane, officiellement classé comme «auxiliaire technologique» et autorisé dans l’Union européenne par la directive de 2009 sur les solvants alimentaires, n’est pas considéré comme un ingrédient. D’après Greenpeace, «près de 90 % des graines oléoprotéagineuses sont transformées dans des usines ayant recours à de l’hexane», appartenant à des groupes comme Avril, Cargill ou Bunge.

Un député et un journaliste à la manœuvre

Le solvant invisible va-t-il enfin se retrouver au cœur du débat public ? C’est en tout cas le souhait du député MoDem Richard Ramos. Le 18 septembre, l’ex-critique gastronomique, devenu spécialiste des questions alimentaires à l’Assemblée, avait annoncé le lancement d’une mission parlementaire sur ce dossier afin de «préparer l’interdiction de ce solvant au profit de solutions respectueuses de la santé et de l’environnement». Dans son nouveau combat, l’élu du Loiret pourra compter sur sa faconde, son entregent et aussi sur le soutien du journaliste Guillaume Coudray.

L’investigateur forcené, à l’origine de la mise au jour du scandale des nitrites dans la charcuterie également dénoncé par Ramos, vient justement de publier un ouvrage très documenté sur l’hexane (De l’essence dans nos assiettes. Enquête sur un secret bien huilé, La Découverte) dans lequel il raconte comment ce produit, dont la toxicité est avérée depuis les années 1970, a pu rester hors des radars sanitaires.