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Revers

Interdiction du terme de «steak» végétal : la France contredite par la justice européenne

Alimentationdossier
Un Etat membre de l’UE ne peut pas interdire aux fabricants d’alternatives végétales à la viande l’utilisation de termes tels que «steak», a statué ce vendredi 4 octobre la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Un revers pour la France.
Un «steak de soja», qui, pour la justice européenne, a bien le droit de porter ce nom. (BSIP/Getty Images)
publié le 4 octobre 2024 à 15h48

Pour la justice européenne, c’est non : un Etat membre de l’UE ne peut pas interdire les dénominations animales pour les produits végétaux. Dans les rayons des supermarchés, impossible donc de bannir les produits désignés comme des «steaks végétaux», des «saucisses végétales» ou encore comme du «bacon végétal». La Cour de justice de l’Union vient de statuer en ce sens ce vendredi 4 octobre, estimant qu’un «État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales» d’utiliser des «noms usuels ou (des) noms descriptifs».

Selon l’arrêt, la réglementation en vigueur «protège suffisamment les consommateurs, y compris en cas de remplacement total du seul composant ou ingrédient que ceux-ci peuvent s’attendre à trouver dans une denrée alimentaire désignée par un nom usuel».

Deux décrets pris par la France

Il s’agit d’un véritable revers à l’égard de précédentes décisions prises par la France. En effet, le gouvernement avait déjà – en juin 2022 puis en février 2024 – publié deux décrets pour répondre à une revendication ancienne des acteurs de la filière animale, pour qui des termes comme «jambon végétal» ou «saucisse vegan» peuvent créer la confusion chez les consommateurs. Ces deux textes visaient alors à interdire la désignation des produits végétaux par des noms de produits carnés.

Pour autant, ces deux décrets avaient tour à tour été suspendus en référé par le Conseil d’Etat. Dans les deux cas, le juge des référés avait pris sa décision dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant leur conformité avec le règlement européen. L’objectif : savoir si un Etat membre pouvait «adopter des mesures nationales réglementant ou interdisant ce type de dénominations». Le juge des référés considérait par ailleurs que ces textes porteraient «une atteinte grave et immédiate aux intérêts des industriels» qui confectionnent ce type de produits en France, et ce, alors que leurs concurrents fabriquant dans d’autres pays européens n’y sont pas soumis.

Véritable victoire pour les acteurs du secteur des produits végétariens et végétaliens. «La décision de la CJUE est ainsi un rappel que les consommateurs non seulement sont déjà informés, mais aussi qu’il n’y a pas lieu de contrôler insidieusement leurs choix», se félicite l’Association végétarienne de France (AVF), dans un communiqué. Elle souligne et regrette «que les pouvoirs publics aient placé tant d’énergie et d’inventivité dans un recours aussi disproportionné contre des produits favorables à la santé, à l’environnement, aux animaux et à l’économie nationale».

Des actions sont toutefois encore possibles pour les lobbys pro viande, mais ils seront plus compliqués. Pour interdire le terme steak végétal, il faudra d’abord définir légalement ce qu’est un steak, une saucisse ou une aiguillette. Cela serait extrêmement difficile en raison des différences culturelles et linguistiques existantes et pourrait perturber le marché unique. Par exemple, «une saucisse peut être différente en Allemagne et en France», souligne l’Union européenne végétarienne (UEV). L’arrêt publié aujourd’hui par la justice européenne précise toutefois que «si une autorité nationale estime que les modalités concrètes de vente ou de promotion d’une denrée alimentaire induisent en erreur le consommateur, elle pourra poursuivre l’exploitant du secteur alimentaire concerné, et démontrer que la présomption susmentionnée est renversée». Une action reste donc possible au cas par cas.

Mis à jour : à 18 heures avec les réactions de l’ACF et de l’UEV.