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En rayons

Les pires aberrations d’une grande distribution toujours accro au plastique

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Fruits vendus en boîtes transparentes, couverts jetables vendus comme «réutilisables»... Sommés de se passer peu à peu du plastique, les supermarchés ne manquent pas de subterfuges pour contourner l’obstacle.
Même quand elles sont vendues en carton, il y a une petite fenêtre en plastique pour voir les pâtes. (NICOLAS GUYONNET/Hans Lucas via AFP)
publié le 31 décembre 2021 à 16h39

«Le plastique c’est fantastique !», chantait Elmer Food Beat en 1990. Trois décennies plus tard, le refrain résonne encore dans l’esprit de certains industriels… A partir de ce samedi, de nouvelles dispositions de la loi anti-gaspillage entreront en vigueur. Au programme : l’interdiction des suremballages plastiques des fruits et légumes frais de moins de 1,5 kilogramme, des jouets en plastique dans les fast-foods ou encore les sachets de thé en plastique non biodégradable.

Une avancée pourrait-on se réjouir. Cependant pour Olivier Chollet, coordinateur de l’association Plastic Attack, «non seulement il reste encore des aberrations, mais en plus le lobby du plastique et les industriels vont chercher à contourner la loi, en trouver les failles comme elles le font systématiquement». Tour d’horizon de leurs plus belles supercheries et aberrations, qui sont pour certaines encore en vigueur.

De la vaisselle jetable vendue comme «réutilisable»

Cinq ans. C’est le temps qu’ont eu les industriels pour se préparer à l’interdiction des verres, couverts et assiettes en plastique. La loi de transition énergétique de 2015 puis celle anti-gaspillage les astreignaient à remplacer le matériau honni par d’autres biosourcés et compostables. Mais au lieu de cela, certains se sont évertués à trouver un moyen de contourner la réglementation.

Un des subterfuges imaginés a été d’augmenter le grammage de plastique pour que cette vaisselle casse moins et ne soit ainsi plus considérée comme «jetable» mais «réutilisable». C’est très grotesque, mais c’est passé : pendant plusieurs mois, des enseignes telles que Carrefour, Franprix ou Leader Price ont vendu ces objets en plastique qui n’avaient de réutilisable que le nom, parfois par packs de 100. Heureusement des consommateurs s’en sont rendu compte. L’association Zero Waste s’est penchée sur le cas et tous ces couverts ont depuis été retirés de la vente en grande distribution.

Des fruits épluchés puis vendus dans du plastique

Eplucher une banane, peler une orange : cela demande un effort si considérable que certaines enseignes proposent de le faire à notre place ! Et de placer le fruit, ôté de sa protection naturelle, dans une nouvelle coque… artificielle. Une bonne grosse boîte en plastique, non recyclable qui plus est. Cette pratique insensée avait été repérée puis dénoncée en 2012 en Autriche, où l’enseigne de supermarchés Billa a vendu sous-vide des bananes pré-épluchées, puis en 2016 au Royaume-Uni.

En France aussi la pratique est courante. On trouve chez de nombreux distributeurs certains fruits prédécoupés ou des légumes râpés sans être assaisonnés. Une aberration écologique qui en plus échappe à la nouvelle législation puisque les nouvelles dispositions de la loi anti-gaspillage ne concernent que les fruits et légumes «non transformés». Toutefois, on pourra objecter que ces produits préparés peuvent avoir une certaine utilité, pour les personnes handicapées par exemple.

L’élastique autour des bottes de radis

Lui aussi est exempté des mesures qui entrent en vigueur ce samedi. L’élastique que l’on trouve autour des bottes de radis, mais aussi de carottes ou d’herbes aromatiques est principalement en caoutchouc, mais il contient une part de plastique. Il a pourtant obtenu une dérogation, car d’après les producteurs il n’existe pas d’alternative naturelle aussi efficace et aussi résistante à l’eau que l’élastique. Olivier Chollet de Plastic Attack bat cette idée en brèche : «On peut très bien attacher des bottes de radis avec autre chose que du plastique. De la ficelle, du raphia : c’est ce qui s’est toujours fait avant que le plastique n’arrive dans le secteur.» Et vive le progrès !

Les paquets de pâtes en carton… avec une vitre en plastique

C’est une homélie que l’on entend fréquemment sortir de la bouche des industriels, le consommateur souhaiterait «voir le produit qu’il achète». Cela peut faire sens avec certaines denrées périssables. De la viande par exemple. Mais pour des pâtes, est-ce vraiment nécessaire ? Il faut croire que dans l’esprit de certains producteurs, oui. Si la Palme de l’emballage revient à ceux qui les emballent dans du plastique non recyclable, il faut tout de même décerner un Prix d’honneur à Barilla qui intègre à sa boîte en carton une vitre en plastique permettant de voir le contenu. Laquelle, bien sûr, n’est pas recyclable, et qu’il conviendrait de retirer avant faire le tri. Ce que bien entendu, personne ne pense à faire, puisque cela n’est pas indiqué sur la boîte. Magie du packaging.

Des sacs en plastique pas si biodégradables

L’interdiction par la loi transition énergétique de 2015 des sacs de caisse en plastique a impulsé le développement de ceux conçus à partir de matériaux biosourcés et compostables comme de l’amidon de maïs ou de pomme de terre. Ce sont ceux que l’on trouve parfois dans les rayons fruits et légumes des supermarchés. Une bonne alternative, pourrait-on penser, mais Olivier Chollet de Plastic Attack relève qu’ils ne contiennent que 30 à 40 % de matériaux compostables. «Le reste, c’est du plastique. S’ils sont compostables, c’est seulement en compostage industriel. Donc dans une déchetterie où les températures montent très haut», explique celui qui préconise l’usage de sacs en tissu pour y disposer ses fruits et légumes.