Autrefois réservé aux randonneurs et aux cueilleurs, le risque de tomber nez à nez avec un ours s’accroît au Japon, y compris en zone urbaine. De telles rencontres font désormais régulièrement la une des journaux nippons, d’autant plus que le nombre d’attaques mortelles a fortement augmenté cette année : dix personnes ont été tuées par des ours, selon le gouvernement japonais, dépassant le précédent record de six morts lors de la période avril 2023-mars 2024. Une conséquence directe du réchauffement climatique, les animaux quittant leur habitat naturel en quête de nourriture.
Attaques ciblant le cou et le visage
Face à cette hausse «vraiment effroyable» des attaques mortelles, un gouverneur du nord du Japon a appelé ce mardi 28 octobre l’armée à intervenir. «Nous sommes désormais dans une situation où la vie de nos citoyens ne peut être protégée sans l’aide des Forces d’autodéfense», a déclaré le gouverneur du département d’Akita, Kenta Suzuki, lors d’une réunion avec le ministre de la Défense à Tokyo.
«Les attaques ciblant le cou et le visage sont extrêmement courantes, entraînant [des blessures] véritablement graves», a-t-il poursuivi, inquiet de constater que les ours n’apparaissent dorénavant plus seulement dans les montagnes mais aussi dans les zones urbaines. Ce n’est «pas normal» que la vie quotidienne des habitants soit perturbée, a ajouté le gouverneur.
Le nouveau ministre de la Défense, Shinjiro Koizumi, a affirmé que son ministère mettrait «pleinement à profit ses capacités et pouvoirs» pour rétablir la sécurité et la tranquillité, tandis que son homologue à l’Environnement, Hirotaka Ishihara, a parlé de «problème sérieux».
Cette semaine encore, deux autres personnes ont été retrouvées mortes, vraisemblablement tuées par des ours. Une femme a été identifiée près de rizières à Akita, tandis qu’un homme et son chien ont été récupérés sans vie dans le département voisin d’Iwate, selon des médias locaux. Les deux présentaient des signes d’attaques subies par des ursidés.
Des ours affamés
On estime qu’il y a au Japon environ 44 000 ours noirs d’Asie, répartis dans de nombreuses régions, mais surtout dans le Nord, et 12 000 ours bruns d’Oussouri, plus grands, présents sur l’île la plus septentrionale d’Hokkaido. Récemment des plantigrades s’en sont aussi pris à des touristes, sont entrés dans des magasins et sont apparus près d’écoles et de parcs, en particulier sur ces territoires.
Ce changement de comportement n’a rien de fortuit. En réalité, il serait la conséquence directe de nos actions. Si les ours se rendent de plus en plus dans les villes où la population humaine vieillit, c’est en raison d’une pénurie de nourriture, et notamment de glands, attribuée au réchauffement climatique. Des ours affamés ont en effet été aperçus dans des villes et des villages où ils étaient autrefois réticents à errer, à la recherche d’un repas.
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Il existe également des preuves que les hivers plus doux causés par la hausse des températures mondiale obligent ces animaux à hiberner plus tard que d’habitude, ce qui augmente la probabilité de les rencontrer. Chaque année, des milliers d’ours sont abattus dans l’archipel. Et le Japon a assoupli en septembre les règles sur les armes à feu pour les chasseurs dans les zones urbaines afin de répliquer plus durement contre les bêtes. Mais la mesure ne fera que décimer les populations d’ours tant qu’on ne s’attaquera pas au fond du problème : leur redonner de quoi vivre sur leur territoire, en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.