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Libération
Ruche hour

Des abeilles piquent 24 personnes à Aurillac, un cas «très rare»

Des riverains hospitalisés, un quartier bouclé, une demande d’euthanasie pour l’essaim : dimanche 6 juillet, la préfecture du Cantal a connu une attaque exceptionnelle d’abeilles en plein centre-ville.
Après l'incident, le maire d'Aurillac a dit étudier les moyens légaux pour interdire les ruches en ville. (Kirill Kudryavtsev/AFP)
publié le 7 juillet 2025 à 18h30

Vingt-quatre personnes piquées dont trois hospitalisées en urgence absolue, on croirait le bilan d’un sordide fait divers. Mais non, dimanche 6 juillet, Aurillac (Cantal) a été le théâtre d’une attaque… d’abeilles. Une octogénaire a été victime d’un «choc cardiaque», et a été prise en charge par le Samu, comme les deux autres personnes victimes de réactions allergiques. En fin d’après-midi, tout était rentré dans l’ordre et les victimes ont pu sortir de l’hôpital. Sandrine Delorme, procureure d’Aurillac, a réclamé l’euthanasie de l’essaim responsable. Retour sur cet événement et les questions qu’il pose.

Que s’est-il passé ?

Dimanche matin, l’apiculteur local est allé récolter le miel d’une des trois ruches situées sur le toit-terrasse du Grand Hôtel du centre-ville d’Aurillac. «Il travaille là depuis dix ans, il fournit l’hôtel en miel», explique Vincent Brossel, apiculteur et membre de l’Union nationale de l’apiculture française.

Selon lui, «le moment de la récolte est toujours un moment délicat». Son collègue aurait remarqué que la ruche était «populeuse» (très peuplée) et que les abeilles étaient «énervées» par le prélèvement de miel. Des voisins vivant en face, qui avaient les fenêtres ouvertes, se sont fait piquer puis des personnes dans la rue. «Il y a eu ensuite un emballement, puisque, quand une abeille pique, elle émet une phéromone qui attire les autres», poursuit Vincent Brossel.

La police, les pompiers et les services techniques de la ville ont mis en place un périmètre de sécurité dans la zone concernée jusqu’à ce que les vols d’abeilles cessent et que la situation redevienne «sous contrôle», selon la préfecture. Pour calmer des ruches agressives, les apiculteurs peuvent les enfumer ou les arroser. En fin de journée, les ruchers ont été enlevés du toit de l’hôtel.

Est-ce un cas rare ?

Oui et non. «Il arrive régulièrement que des promeneurs se fassent piquer s’ils passent à proximité des ruches au moment où l’apiculteur les ouvre», témoigne Mickaël Henry, directeur de l’équipe de recherche Abeilles et Environnement. Mais que 24 personnes soient piquées en même temps, c’est «très rare». Sa collègue Lise Ropars, écologue au Museum national d’histoire naturelle, n’a «jamais entendu parler de cas comme cela», malgré les «1 500 ruches maintenant déployées à Paris».

La mairie d’Aurillac souligne qu’une enquête est en cours, mais elle avance plusieurs pistes pour expliquer cette attitude des abeilles. Une «attaque de frelons asiatiques», un «stress lié à un problème avec la reine», une «carence alimentaire en juillet» ou encore la «baisse brutale des températures». Lise Ropars plaide pour une «accumulation de facteurs» pour expliquer ce phénomène.

L’hypothèse du frelon asiatique semble moins convaincante pour les experts interrogés. «Face à un frelon, les abeilles ont généralement tendance à arrêter de sortir et à protéger l’entrée de la ruche», explique Mickaël Henry. Vincent Brossel abonde : «Le frelon provoque la réaction contraire de ce qui s’est passé, il réduit les sorties des abeilles.» Selon plusieurs témoignages, des frelons ont été retrouvés à proximité des ruches. Mais, «il y a toujours des frelons près des ruches, c’est le prédateur principal», relativise Vincent Brossel.

Faut-il limiter les ruchers en ville ?

«Les causes de cet événement vont être analysées. En fonction, les mesures nécessaires seront prises pour éviter qu’un tel événement ne se reproduise», assure la mairie d’Aurillac. Auprès de la radio Ici, le maire, Pierre Mathonier, dit étudier les moyens légaux pour interdire les ruches en ville.

Depuis plusieurs années, l’installation de ruches sur les toits citadins est à la mode pour préserver les abeilles. Mais la démarche semble victime de son succès. D’une part, les abeilles viennent concurrencer les pollinisateurs sauvages. Des insectes qui, par ailleurs, n’ont pas grand-chose à se mettre sous la mandibule en milieu urbain. «Quand on voit des abeilles butiner dans les boulangeries, chez les fleuristes ou dans les poubelles, c’est bien qu’elles manquent de nourriture», expose Mickaël Henry.

«Je comprends l’émotion, mais il y a des millions d’abeilles en ville et le risque de piqûre est très rare. Les nids de frelons asiatiques présentent un risque mortel plus élevé», défend Vincent Brossel. Il assure que les ruches posées à proximité de parcs fournissent de belles productions. Et puis, déjà que l’on chasse les abeilles des champs à cause des pesticides en passe d’être réintroduits par la loi Duplomb, si, en plus, on les chasse aussi des villes…