Une énième championne de natation pour l’Australie. «Arnie», une morue d’eau douce, a battu le record de nage de son espèce, en parcourant 860 kilomètres dans le fleuve Murray, au sud du pays, ont révélé des écologues de l’institut Arthur Rylah de Victoria.
Pucée par une équipe de scientifiques en 2016, Arnie, qui tient son surnom de la nageuse olympique australienne multimédaillée Ariarne Titmus, a débuté son périple en 2022 à Mullaroo Creek, à treize heures de route à l’ouest de Sydney.
«Le plus long parcours qu’on ait vu pour cette espèce»
Alors âgé de quatre ans, le carnassier a pris la route quand des inondations ont frappé la région au printemps de cette année-là, et remonté 760 kilomètres à contre-courant en moins de deux mois. Une prouesse permise par le retrait des barrages sur le fleuve Murray, afin que les eaux de crues puissent s’écouler. «Arnie» a ensuite fait demi-tour au cours des 12 derniers mois et nagé 100 kilomètres de plus en direction de son point de départ. Fin 2024, le poisson a été aperçu près de la petite île de Belsar, où il semble avoir élu domicile.
En Australie, les scientifiques n’en reviennent pas. «C’est le plus long parcours qu’on ait vu pour cette espèce», confie Zeb Tonkin, spécialiste des écosystèmes d’eau douce à l’institut Arthur Rylah. Un précédent record avait été établi par l’une de ses congénères, Casanova, qui avait parcouru à quatre reprises une boucle de 160 kilomètres dans le fleuve australien.
«Le mouvement est aussi important que respirer et vivre»
Lancées après une large vague de décès de poissons dans la région, en 2016, les recherches de l’institut dont est issu ce record ont mis en lumière l’importance de la gestion fluviale dans la survie des poissons. Pour ces animaux, «le mouvement est aussi important que respirer et vivre, explique Paul Humphries, spécialiste des poissons et des rivières à l’université australienne de Charles Sturt, au journal britannique The Guardian. Mais il est également important pour la conservation, car il leur permet de recoloniser des zones, d’échanger des gènes et de se reproduire.»
Un enjeu d’autant plus important pour l’écosystème de cette rivière, l’une des plus grandes d’Australie, que les morues de Murray en sont les principales prédatrices. Sans elles, la chaîne alimentaire se dérèglerait, au détriment de la biodiversité : la population des proies augmenterait et pèserait sur les espèces en bas de la pyramide. Ce poisson, qui peut vivre plus de 48 ans, mesurer jusqu’à 1 mètre 80 et peser plus de 83 kilogrammes, est «comme le lion et le tigre de nos rivières», résume Paul Humphries.
Pour l’expert, maintenir les populations d’espèces en bonne santé nécessite de repenser les systèmes de barrages fluviaux. «Nous devons en fin de compte leur permettre de se déplacer librement, d’aller où ils veulent, plutôt que de les confiner par la façon dont nous gérons nos rivières.», préconise-t-il. D’où la nécessité de, parfois, applaudir les poissons sachant nager.