C’est une énième alerte, documentée et chiffrée. Alors que l’année 2023 s’annonce record, le scénario d’un réchauffement planétaire de 2 degrés à la fin du siècle mènerait 4,7 fois plus de personnes à mourir sous l’effet de la chaleur extrême sur Terre d’ici à 2050, affirme un rapport publié par The Lancet.
Selon l’édition 2023 du «Lancet Countdown» («compte à rebours du Lancet») réalisé par 114 experts issus de 52 pays, cette multiplication par 4,7 de la mortalité liée aux fortes températures – qui concernerait plus les femmes que les hommes – ne représente qu’un seul des 47 indicateurs différents mis en lumière par le rapport et découlant de la production et de l’usage toujours croissant des combustibles fossiles. De quoi faire dire aux experts que, dans le scénario d’un réchauffement à 2 degrés, «la santé de l’humanité est en grave danger».
Ainsi, selon les projections publiées par le Lancet, environ 520 millions de personnes supplémentaires se retrouveraient en insécurité alimentaire modérée ou grave d’ici au milieu du siècle. Dans le même temps, les maladies infectieuses propagées par les moustiques continueraient à se répandre dans de nouvelles zones, la transmission de la dengue bondissant par exemple de 36 %. Face à ces multiples conséquences du changement climatique, plus d’un quart des villes étudiées par les chercheurs nourrissent la crainte de systèmes de santé débordés.
Records de chaleur
Si ces données sont affolantes, le rapport indique que la situation pourrait encore être pire : l’humanité est actuellement en voie d’atteindre 2,7 degrés d’ici à 2100. Marina Romanello, directrice exécutive du rapport, a ainsi déclaré que «les effets observés actuellement pourraient n’être qu’un symptôme précoce d’un avenir très dangereux». Ces estimations interviennent alors que 2023 s’annonce comme l’année la plus chaude de l’histoire de l’humanité, tandis que l’Observatoire européen du climat a déclaré que le mois dernier avait été le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré.
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Selon le rapport du Lancet, l’humanité a été exposée, en moyenne en 2022, à quatre-vingt-six jours de températures potentiellement mortelles. Et le nombre de personnes de plus de 65 ans décédées à cause de la chaleur a bondi de 85 % entre 1991-2000 et 2013-2022, estime ce rapport de référence, publié chaque année par la revue médicale britannique.
Des chiffres qui ne font pas fléchir les émissions de carbone liées à l’énergie. En dépit des appels à une action mondiale, les auteurs du rapport déplorent qu’elles aient atteint de nouveaux sommets l’an passé. Ils épinglent les gouvernements, banques et entreprises qui subventionnent et investissent encore massivement dans les combustibles fossiles alimentant le réchauffement planétaire. Et de souligner que «les habitants des pays les plus pauvres, souvent moins responsables des émissions de gaz à effet de serre, payent le prix des impacts sur la santé, mais ont moins de capacités financières et techniques de s’adapter à des tempêtes mortelles, des mers qui montent ou des sécheresses dévastatrices, aggravées par le réchauffement mondial».
«Futur insupportable» et «mots creux»
En réponse au «Lancet Countdown», le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui ne cesse d’alerter sur le changement climatique, a répondu au rapport en jugeant que «l’humanité est confrontée à un futur insupportable». «Nous voyons déjà la catastrophe pour la santé et la vie de milliards d’humains dans le monde, mis en danger par des chaleurs records, des sécheresses dévastatrices pour les récoltes, des famines croissantes, des flambées grandissantes de maladies infectieuses, des tempêtes et inondations meurtrières», a-t-il pointé dans un communiqué.
Aux 24h de Libé
Face à ces menaces existentielles, la conférence internationale sur le climat (COP28) de Dubaï (Emirats arabes unis), qui se tient du 30 novembre au 12 décembre, devrait, pour la première fois, dédier une journée à la santé, le 3 décembre. Insuffisant pour Marina Romanello, qui affirme que sans réels progrès contre le changement climatique et les émissions, «l’accent croissant sur la santé dans les négociations sur le climat risque de se limiter à des mots creux». De leur côté, plus de 46 millions de professionnels de la santé ont mis la pression aux décideurs avant ce grand raout, les exhortant dans une lettre ouverte à acter «la suppression progressive des énergies fossiles» de manière «juste et équitable», afin de «limiter le réchauffement de la planète, protéger la santé des effets dévastateurs des conditions météorologiques extrêmes».
D’autres collectifs de médecins généralistes ainsi que 200 revues médicales, à l’instar du British Medical Journal, ont rejoint l’appel en demandant solennellement aux gouvernements «d’agir maintenant face à l’urgence climatique pour préserver la santé des populations mondiales». Dann Mitchell, titulaire de la chaire sur les risques climatiques à l’université britannique de Bristol, a déploré auprès du Science Media Center que les avertissements sanitaires «déjà catastrophiques» sur le changement climatique n’aient «pas réussi à convaincre les gouvernements de réduire suffisamment les émissions de carbone pour respecter le premier objectif de l’accord de Paris».