«Catastrophique», «dévastateur», «irréversible», «infernal»… Le changement climatique est sur les lèvres de – presque – tous les dirigeants du monde. Pourtant, à quatre semaines de la COP26, qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre, les négociations semblent bien mal engagées. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, l’a lui-même avoué à demi-mot, ce jeudi, dans un discours devant une cinquante de ministres : «Echouer reste une possibilité mais nous ne pouvons, ne devons pas, l’accepter.»
Réunis pour une pré-COP en Italie début octobre, les ministres de l’Environnement et les représentants d’une quarantaine de pays ont approfondi certains points de négociation qui les attendent en Ecosse. Conclusion de l’affaire : il reste encore «beaucoup de travail», a reconnu samedi le président de la COP26 Alok Sharma, à l’issue des débats préliminaires de Milan. «Tout le monde a reconnu que Glasgow sera probablement un moment clé pour fixer les ambitions pour la décennie à venir, a-t-il essayé de tempérer. Il y a eu un consensus sur le fait que nous devons faire plus pour qu’il soit possible de limiter la température à +1,5°C.»
La COP26, rassemblement crucial
Historique, l’Accord de Paris signé lors de la COP21 de 2015, ambitionne de limiter le réchauffement «bien en deçà» de +2°C, voire +1,5°C si possible. Depuis, certains pays signataires se sont montrés réticents à reconnaître cet objectif de 1,5°C, notamment l’Arabie saoudite et la Russie. Le deal prévoit également l’évaluation des progrès accomplis tous les cinq ans, ainsi que la révision à la hausse des objectifs.
Les parties se tiennent en effet mutuellement informées des avancées nationales. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), signée en 1992 par 197 Etats, prévoit la réunion annuelle de ses membres lors des Conférences des Parties (COP). Ces rassemblements internationaux, dont le premier s’est tenu en 1995, visent à renforcer les engagements pris pour lutter contre le réchauffement climatique et à évaluer le degré d’application des promesses. Les COP sont organisées en alternance sur chaque continent.
Premier point étape quinquennal depuis Paris, la COP26 de Glasgow de 2020 a été reportée en novembre 2021, Covid oblige. Mais malgré l’année de rab, les sujets de discorde ne manqueront pas en Ecosse. Entre autres : la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou la rédaction finale du «mode d’emploi» de l’Accord de Paris. D’autant que la Chine, pourtant responsable de plus d’un quart des émissions mondiales à elle seule, n’a toujours pas soumis à l’ONU ses nouveaux engagements. Idem pour plus de cinquante autres Etats, dont l’Inde.
En outre, la question de la solidarité Nord-Sud reste épineuse. Les pays développés, responsables de 80 % des émissions mondiales, n’ont en effet pas tenu leur promesse de porter à 100 milliards de dollars par an en 2020 leur assistance aux pays pauvres, afin de les aider à s’adapter aux effets du changement climatique. La dernière estimation de l’OCDE arrête le curseur à 79,6 milliards en 2019. Et la récente annonce des Etats-Unis de doubler leur aide – à hauteur 11 milliards de dollars par an – ne comblera pas l’écart. A tout cela, s’ajouteront les difficultés logistiques liées au Covid, comme la vaccination ou les quarantaines des participants.
La «conférence climat la plus importante depuis Paris», selon les mots d’António Guterres jeudi, présente donc un programme pour le moins ambitieux. Garder l’objectif de 1,5°C «à portée de main», viser la neutralité carbone en 2050, mobiliser la finance et accélérer l’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique. Pour cela, «la fin du charbon» est indispensable, a plaidé Simon Stiell, le ministre de l’Environnement de Grenade, petit Etat insulaire des Caraïbes en première ligne face à la montée des eaux.
Son homologue française, Barbara Pompili, a également alerté sur la crédibilité des gouvernements en cas d’échec d’un nouvel accord : «Si on n’y arrive pas, ce serait une catastrophe pour l’image des dirigeants politiques de ce monde.»
«Condamner l’humanité à un avenir infernal»
Alors que le thermomètre a grimpé d’environ +1,1°C depuis l’ère pré-industrielle, le monde est déjà frappé par de nombreuses catastrophes, de plus en plus intenses, de plus en plus fréquentes. Inondations, canicules, sécheresses et incendies sont désormais chroniques, comme on l’a vu cet été avec les multiples phénomènes météorologiques extrêmes. Selon la dernière évaluation de l’ONU, les engagements actuels des Etats mènent le monde vers un réchauffement de +2,7 °C.
Dans son discours devant les ministres de jeudi, António Guterres a également voulu marquer l’importance du moment : «Nous avons un pouvoir immense. Nous pouvons soit sauver notre monde soit condamner l’humanité à un avenir infernal.» Il a par ailleurs encouragé la jeunesse mobilisée derrière Greta Thunberg, encore ce vendredi à Milan, à maintenir sa pression sur les gouvernements.
La jeune militante ougandaise Vanessa Nakate a elle aussi interpellé les responsables politiques depuis l’Italie. Elle appelle à mettre un terme aux investissements dans les projets d’énergies fossiles, car «on ne peut pas manger de charbon, on ne peut pas boire de pétrole, on ne peut pas respirer du gaz».