Comment atteindre 10 % d’aires marines protégées (AMP) strictement encadrées en France ? Dans un rapport publié ce mercredi 9 avril, Greenpeace et des chercheurs du CNRS proposent une cartographie «scientifiquement fondée» pour parvenir à cette ambition que s’est donnée le pays dans sa «stratégie nationale pour les aires protégées 2030».
Alors que la France prétend protéger plus de 33 % de ses eaux, seules 4 % bénéficient de régulations et d’un niveau de protection réellement efficace, dont seulement 0,03 % dans les eaux métropolitaines, rappelle le rapport. Le seuil de protection le plus strict interdit toute activité industrielle (mines, forages) et toute forme de pêche.
Interview
Charles Loiseau, ingénieur de recherche au CNRS, et Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS, ont croisé des données sur la répartition des espèces et des habitats marins avec la répartition des zones les plus fréquentées par les pêcheurs pour essayer d’atteindre 10 % de zones strictement protégées, tout en minimisant le coût pour la pêche.
Selon les deux scénarios étudiés, plus ou moins protecteurs pour les écosystèmes, la protection stricte impacte 10 % à 13 % de l’effort de pêche et peut même être presque nul sur certaines façades maritimes. «En Méditerranée par exemple, pour le premier scénario qui est moins coûteux pour la pêche, on est à moins de 1 % de l’effort de pêche qui sera impacté. C’est quasiment gratuit», souligne Charles Loiseau.
Transformation structurelle des pêcheries
Ces 10 % d’aires marines en protection stricte ne représentent donc pas «un coût insurmontable pour les activités de pêche», en conclut le chercheur. Le rapport identifie des zones précises à protéger au sein des AMP existantes mais «l’idée, ce n’est pas de dire : on a la solution et voilà où il faut mettre nos futures zones de protection forte ou stricte», nuance Charles Loiseau.
Greenpeace et les chercheurs disent vouloir montrer «qu’établir à court terme une couverture de 10 % d’AMP en protection stricte peut contribuer à participer à une transformation structurelle des pêcheries, sans mettre à mal le secteur et sans le déstabiliser», expliquent-ils dans le rapport. Car, selon eux, «les rares exemples d’AMP avec un cœur de parc bénéficiant d’une protection stricte, voire intégrale, montrent que la protection de haut niveau fonctionne».
En effet, une protection stricte des AMP est censée générer un «effet de débordement», c’est-à-dire «l’augmentation de la quantité de biodiversité présente autour de la zone protégée de manière stricte et donc l’augmentation des captures de pêche», selon les auteurs qui affirment que «cet effet a été documenté et démontré par de nombreuses publications».
Biodiversité
Avec ces propositions, qui s’appuient sur les standards définis par l’Union internationale pour la conservation de la nature, le rapport souhaite mettre en avant la nécessité d’aligner la définition française de la «protection forte» avec celle de la «protection stricte» reconnue internationalement, souligne Greenpeace.
«C’est grâce à la démonstration par l’exemple que l’on sortira des postures qui ont jusqu’à présent bloqué les avancées en matière de protection du milieu marin du deuxième plus grand espace maritime au monde», pointe François Chartier, chargé de campagne Océans pour Greenpeace. De plus, protéger efficacement 10 % du territoire marin permettrait à la France d’être cohérente avec ses déclarations sur la scène internationale. De fait, le pays se veut ambitieux sur la protection de la haute mer et sur l’interdiction de l’exploitation minière des grands fonds.