Entre orchidées, plantes de haute montagne et fougères, l’île de la Réunion regorge d’une flore foisonnante et reconnue pour son originalité. Une nature aujourd’hui mise à mal. Sur les 962 espèces indigènes qui y sont recensées, regroupant l’ensemble de la flore à graines ou à fleurs de l’île, 41 % sont désormais menacées, selon le dernier état des lieux mené par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Office français de la biodiversité et le muséum national d’Histoire naturelle, et publié ce mardi 21 novembre.
«395 espèces de plantes sont menacées et 31 autres quasi menacées, tandis que 41 espèces ont déjà disparu», précise le rapport, qui dresse sa «liste rouge». En 2010, date du précédent bilan, 30 % de ces espèces – orchidées, arbres et autres plantes à fleurs, fougères et plantes alliées – étaient déjà considérées comme en danger. L’île, située dans l’ouest de l’océan Indien et désignée comme un des «points chauds» de la biodiversité dans le monde, affronte ainsi des «pressions croissantes». «La situation est préoccupante», alerte Elise Amy, coordinatrice du projet Liste rouge au Conservatoire botanique des Mascarins, interrogée par Réunion La 1ère.
Les espèces invasives, «l’ennemi n° 1»
«Comme dans la plupart des îles océaniques, les invasions biologiques par des espèces introduites constituent une cause majeure d’érosion de la biodiversité» à la Réunion, abonde le bilan. En Europe, le nombre d’introductions via les activités humaines de ces espèces dites «exotiques» a augmenté de 76 % ces trente-cinq dernières années. Les dégâts de ces espèces envahissantes sont durables et se cumulent, puisqu’elles prolifèrent et deviennent impossibles à éradiquer.
Interview
A titre d’exemple, le rapport cite «la liane papillon, d’origine indo-malaisienne», qui «étouffe les vestiges de la forêt sèche et les derniers pieds du très rare bois puant, classé en danger critique». De son côté, «l’ajonc d’Europe prend le dessus sur les plantes de haute montagne comme le petit tamarin des hauts, classé en danger». Les animaux introduits par l’homme menacent aussi la flore réunionnaise, «en consommant les plantes et leurs semences». Les escargots africains et les rats sont notamment pointés du doigt. Parmi les espèces «à éliminer», Elise Amy évoque également «le goyavier, qui a un comportement envahissant dans les forêts».
Dégradation des habitats et prélèvements : les autres menaces
Mais un autre problème menace le paysage luxuriant de la Réunion. En raison de l’«intérêt ornemental» de ces espèces ou de «leur usage dans la pharmacopée traditionnelle», la flore de l’île est soumise à une forte pression de prélèvement de la part des habitants et visiteurs. «C’est le cas du remarquable phaius tétragone, une orchidée quasi menacée, ou de la cadoque blanche, victime des propriétés médicinales qui lui sont prêtées.» Le bois jaune, fleur réputée pour améliorer la circulation sanguine, est elle aussi menacée d’extinction en raison de ses vertus pharmaceutiques.
En parallèle, «la destruction et la dégradation des habitats naturels dues à l’urbanisation et au développement agricole» ne sont pas sans conséquences sur ces plantes vasculaires – groupe de plantes dotées de vaisseaux permettant la circulation de l’eau et de la sève – et entraînent la disparation progressive de nombreuses espèces. Selon l’étude, les zones littorales et de basse altitude de l’île se trouvent en première ligne. Le bois de lait et la mauve sont par exemple deux espèces classées «en danger critique» et menacées par ces pressions croissantes.
Enfin, le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature souligne le rôle joué par la déforestation. La réduction des surfaces de forêt entraîne «le déclin et la disparition des animaux assurant la dispersion des semences et la pollinisation des fleurs», entravant par la suite la régénération des espèces. «Cette perte de la fonctionnalité des écosystèmes risque de poser de grands problèmes de conservation dans le futur», alerte le rapport.
Face à cette menace croissante qui pèse sur l’île, des actions de conservation ont donc été mises en place depuis 2010 : «Des habitats naturels sont en cours de restauration, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes s’accentue dans les milieux prioritaires, et des espèces patrimoniales bénéficient de réintroduction ou de plans nationaux d’actions.» Selon l’UICN, ces programmes n’apparaissent toutefois pas suffisants et «ne portent pas encore leurs fruits».