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Environnement

Au Brésil, l’IA des «Curupira» en lutte contre la déforestation amazonienne

Des petits boîtiers développés par une université brésilienne, nommés «Curupira», sont testés pour prévenir automatiquement de la mise en marche d’outils susceptibles d’abattre les arbres de la forêt primaire.

Une zone déboisée au milieu de la forêt amazonienne brésilienne, le 14 juillet 2021. (Bruno Kelly/REUTERS)
Publié le 27/09/2023 à 16h09

Une intelligence artificielle pour alerter en direct sur les menaces approchant les arbres au fin fond de l’Amazonie ? C’est le pari que fait le Brésil avec son dispositif «Curupira», du nom d’un être de la mythologie indigène connu pour sa capacité à échapper aux chasseurs.

Ce petit boîtier développé par l’Université de l’Etat d’Amazonas ne paie pas de mine, avec ses airs de routeur wifi attaché à un tronc d’arbre. Il devrait pourtant permettre de détecter, automatiquement, à l’aide d’un programme informatique les sons de tronçonneuses, tracteurs et autres outils qui ne veulent pas du bien à la jungle, d’après le responsable du projet, Thiago Almeida.

Lors de la phase de tests, financée par l’entreprise locale Hana Electronics, dix prototypes ont été placés dans les environnements de Manaus (capitale de l’Amazonas, état au nord-ouest du Brésil), dans des zones où les conditions sont similaires à celles de la jungle la plus reculée. L’expérience s’est montrée convaincante, avec des boîtiers capables de communiquer les uns avec les autres dans un rayon d’un kilomètre grâce à une connexion sans fil, via satellite. En les disposant à des points stratégiques, un réseau de «Curupira» permettrait de couvrir plus largement la forêt.

Pour y parvenir, les scientifiques cherchent désormais à financer la fabrication et l’installation de 100 à 1 000 nouveaux boîtiers sur le terrain. Le projet est toujours en développement, et devait atteindre fin août sa deuxième phase de test pour valider entre autres sa communication réseau, d’après le média brésilien local Acritic.

«Acidité de la sève»

Le coût des «Curupira» est relativement restreint, de 200 à 300 euros à la fabrication. Le boîtier fonctionne aussi avec des batteries classiques et a une autonomie d’an. Des solutions sont même envisagées pour augmenter cette autonomie, avec de l’énergie «produite à partir du balancement des branches de l’arbre, des différences de température ou l’acidité de la sève», explique le coordinateur du Laboratoire de systèmes embarqués (LSE /HUB) de l’Université d’Amazonas.

Le Canada ou les Etats-Unis avaient eux déjà opté pour des systèmes de surveillance à capteurs de sons, mais avec des moyens de connexion très coûteux et des grandes antennes indésirables dans les confins de la jungle tropicale.

Quand elle aura dépassé le stade expérimental, cette technologie brésilienne sera utilisée en complément d’autres systèmes de surveillance déjà existants, comme le contrôle de la déforestation via des images satellites, qui ne permettaient jusqu’alors que d’identifier les zones déjà déboisées.

Le renfort de cette nouvelle technologie sera bienvenu pour accéder à la promesse du président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva, qui affirmait vouloir mettre fin à la déforestation en Amazonie d’ici 2030. Sous le mandat de son prédécesseur d’extrême droite Jair Bolsonaro, elle avait augmenté au contraire de 75 % par an en moyenne par rapport à la décennie précédente, alors que cette forêt primaire représente un enjeu majeur pour la planète à bien des égards.

Reste que si l’IA des «Curupira» semble présenter des avantages pour lutter contre la déforestation, la technologie ne peut faire office de solution magique face aux crises environnementales. Du plastique des boîtiers aux microcomposants fabriqués à partir de terres rares, impossible d’espérer sauver la planète avec des engins voraces en ressources naturelles.