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Au moins 411 espèces de champignons menacés d’extinction en raison de l’agriculture, de la déforestation et du réchauffement climatique

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L’Union internationale pour la conservation de la nature a actualisé, ce jeudi 27 mars, sa liste rouge des espèces menacées, en y incluant les champignons, «héros méconnus de la vie sur Terre».
Plus de 400 espèces de champignons sont menacés d'extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. (Henrik_L/Getty Images)
publié le 27 mars 2025 à 16h16

Les animaux, les fleurs, les arbres… et même les champignons. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a mis à jour, ce jeudi 27 mars, sa liste rouge des espèces menacées d’extinction en y ajoutant 411 champignons, sur les 1 300 espèces dont l’état de conservation est solidement documenté. Cette évaluation ne concerne, certes, qu’une fraction des quelque 150 000 espèces de champignons répertoriées à ce jour, sur une estimation de 2,5 millions de variétés sur la Terre. Mais elle illustre les menaces que l’activité humaine fait peser sur les fonges : la déforestation, l’extension de l’agriculture et des villes ou encore les incendies qu’accentue le réchauffement climatique affectent également le monde des champignons.

«Bien que les champignons vivent essentiellement cachés sous terre […], leur disparition a un impact sur la vie en surface qui dépend d’eux», explique le professeur Anders Dahlberg, coordinateur de cette évaluation. «Ils agissent un peu comme le microbiote de nos estomacs», décrit le mycologue suédois, décrivant une «symbiose très ancienne, vieille de plus de 400 millions d’années,» qui a forgé la diversité biologique actuelle. «En perdant les champignons, nous appauvrissons les services écosystémiques et la résilience qu’ils fournissent, qui va de la résistance à la sécheresse et aux pathogènes dans les cultures ou les arbres, jusqu’au stockage du carbone dans le sol», ajoute-t-il.

Nombre de champignons «sont comestibles, utilisés dans la production d’aliments et de boissons, y compris la fermentation, constituent la base de médicaments et soutiennent les efforts de dépollution», souligne également le collectif international d’institutions scientifiques réputées dans un communiqué. Parmi les 411 espèces menacées, pas de cèpe, de girolle, de bolet ou d’autres fongus célèbres de nos assiettes : la plupart sont des variétés très spécifiques et «aucune ne fait partie des composantes dominantes du règne des champignons, même si certaines ont été relativement communes et répandues», précise le professeur Dahlberg.

Négligés

«Les champignons sont les héros méconnus de la vie sur Terre, au fondement même des écosystèmes sains et pourtant longtemps négligés», souligne Grethel Aguilar, directrice générale de l’UICN, citée dans le communiqué. «Il est temps maintenant de mettre ces connaissances en pratique et de sauvegarder l’extraordinaire royaume des champignons», exhorte-t-elle.

Sur les 411 espèces menacées dans le monde, 279 le sont à cause de «la croissance rapide des zones agricoles et urbaines», selon l’UICN. «Les écoulements d’azote et d’ammoniac provenant des engrais et de la pollution des moteurs menacent également 91 espèces», ajoute le consortium. Ce dernier type de menaces est «grave en Europe, affectant des espèces bien connues dans les campagnes traditionnelles, telles que l’Hygrocybe intermedia», un champignon jaune-orangé peu commun mais visible dans les prairies de la Scandinavie jusqu’au sud de l’Italie.

La déforestation, pour récolter du bois ou faire place aux cultures, constitue la première menace existentielle pour au moins 198 espèces. «La coupe à blanc des forêts anciennes est particulièrement préjudiciable, car elle détruit les champignons qui n’ont pas le temps de se rétablir» contrairement à ce qui se passe avec la sylviculture de rotation, explique l’UICN. Le Tricholoma colossus, un champignon brun au large chapeau, est pour ce motif classé comme vulnérable, touché par la disparition de «30 % des forêts de pins ancestrales de Finlande, de Suède et de Russie […] depuis 1975».

Le réchauffement climatique est aussi en cause : aux Etats-Unis, «plus de 50 espèces de champignons sont menacées d’extinction en raison de l’évolution du régime des incendies». Les sapins, devenus prédominants dans les montagnes de la Sierra Nevada, y réduisent l’habitat du Gastroboletus citrinobrunneus, un champignon dodu au chapeau jaune, classé «en danger».

Au total, la liste rouge de l’UICN recense près de 170 000 espèces dont plus de 47 000 sont, à différents degrés, menacées d’extinction : c’est le cas d’un quart des mammifères et d’un tiers des amphibiens évalués, qui sont classés comme «vulnérables», «en danger» ou «en danger critique».