Et si les singes nous aidaient à trouver de nouvelles molécules pharmaceutiques ? La proposition est émise par des chercheurs dans un article paru dans PlosOne le 20 juin. Elodie Freymann, anthropologue à l’Université d’Oxford, Fabien Schultz, ethnophmarmacologue à la University College de Londres et leurs collègues ont analysé le régime alimentaire de chimpanzés en Ouganda, dans la forêt de Budongo. Ils se sont particulièrement intéressés à ce que les singes mangeaient quand ils étaient malades. Au final, une première colonie de 27 singes a été suivie pendant 5 mois en 2021 et une autre de 24 individus pendant 5 mois en 2022.
Par exemple, un jeune mâle est un jour repéré s’éloignant du groupe pour aller manger une fougère particulière alors qu’il a une main blessée. Les chercheurs ont donc voulu tester les caractéristiques de la plante et celle-ci présente bien une activité anti-inflammatoire bien utile pour soigner sa blessure.
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Globalement, les scientifiques ont effectué des tests sur des prélèvements issus de treize plantes identifiées comme candidates à l’automédication. 88 % des prélèvements ont démontré une activité antibactérienne en laboratoire. Par ailleurs, un tiers semblaient capables de calmer les inflammations. «Ces résultats fournissent des preuves supplémentaires» sur «l’automédication dans les régimes alimentaires des chimpanzés sauvages», écrivent les chercheurs. Cette capacité des singes à se soigner par les plantes est en effet très discutée parmi les chercheurs, notamment sur la question de l’intentionnalité du comportement des animaux. Le 2 mai dernier, des chercheurs révélaient avoir observé un orang-outan se fabriquer un pansement pour soigner une plaie sur sa joue. L’étude d’Elodie Freymann et Fabien Schultz, elle, «relève le défi de distinguer la consommation d’aliments médicinaux préventifs de l’automédication thérapeutique en intégrant des données pharmacologiques, d’observation et de suivi de la santé - une approche interdisciplinaire essentielle pour faire avancer le domaine de la zoopharmacognosie».
Les chercheurs plaident donc pour mieux observer les singes et leur environnement dans l’espoir de trouver de nouvelles molécules efficaces contre les maladies humaines. En effet, ils ont observé des chimpanzés sujets à la diarrhée mâcher du bois de motif (Alstonia boonei), une plante «utilisée en Afrique de l’Est en cas de problèmes intestinaux», écrivent les chercheurs. De même, des singes présentant des urines anormales ont été observés en train de se nourrir de résine et d’écorce d’Acajou d’Afrique de l’est (Khaya anthotheca), une plante traditionnellement utilisée pour les fièvres et les infections bactériennes…
Une importante part de la pharmacopée moderne est issue de molécules identifiées dans des plantes. Elodie Freymann et Fabien Schultz pensent donc que plus de recherches comme la leur pourraient mener à des «découvertes de nouveaux médicaments qui pourraient bénéficier à notre espèce». Que les chimpanzés cherchent activement ces plantes pour se guérir ou pas, leur régime alimentaire peut encore permettre de découvrir de nouvelles molécules actives. Une raison de plus de tenter de les préserver. S’il en fallait une.