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Libération
Le Libé des animaux

«Bêtes de sexe», «les Génies de mers», «Eloge des oiseaux de passage» : quand les animaux inspirent

Le Libé des animauxdossier
A l’heure des cadeaux, «Libé» fait découvrir trois livres étonnants sur le plaisir de la mouche ou encore le monde marin vu par un physicien, et même un coup de cœur pour un ouvrage sur l’ornithologie.
«Les Génies de mers». (Bill François/Flammarion)
publié le 9 décembre 2023 à 0h58

Les orgasmes de la mouche

Aussi savant et rigoureux que drôle et bien écrit – par une sexologue et un naturaliste joyeusement inspirés –, ce livre regorge d’enseignements sur l’incroyable richesse de la sexualité animale, dont celle d’Homo Sapiens. Le phoque à capuchon drague en gonflant entre ses narines un ballon écarlate, couleur sexuelle par excellence. Madame Kangourou a trois vagins. La hyène accouche par le clitoris. L’argonaute est doté d’un pénis détachable qui fait dix fois sa taille. Les dauphins sont de sacrés coquins. Moult bestioles connaissent l’orgasme, même la mouche drosophile. Quelques exemples parmi tant d’autres, tous fascinants. «Au cœur de l’évolution du vivant, le désir, le plaisir, la séduction, l’attachement, l’empathie ou la tendresse bouillonnent d’une foisonnante diversité et tissent un monde plus beau, plus uni, plus élevé», concluent les auteurs. Un régal !

Bêtes de sexe - La diversité amoureuse des humains et des autres animaux, de Marc Giraud et Annabelle Pongratz, Delachaux et Niestlé, 192 pp., 2023.


Le génie des abysses

Avez-vous déjà regardé l’océan à travers les yeux d’un physicien ? L’expérience peut sembler déroutante, voire barbante de prime abord ; qui ne s’endormirait pas devant un exposé sur la mécanique des fluides, la polarisation de la lumière ou encore l’osmose… Elle s’avère en réalité fascinante. Dans cette encyclopédie du monde marin, magnifiquement illustré par les dessins de Valentine Plessy, Bill François nous explique avec humour comment l’anchois revêt une cape d’invisibilité à en faire pâlir Harry Potter, tandis que les tortues pleurent pour se débarrasser du sel. Le plancton, lui, s’élève dans les cieux et participe à la formation des nuages alors que le krill régule le climat en déféquant. Sans oublier le berceau de la vie sur Terre, menacé par l’industrie minière pour ses métaux rares : les fumeurs noirs des abysses, qui regorgent d’une étonnante biodiversité. Un livre brillant et accessible aux airs d’ode à l’ingéniosité du vivant et à ce qu’il reste à sauver.

Les Génies des mers, quand les animaux marins défient les sciences, de Bill François et Valentine Plessy, Flammarion, 2023, 272 pp.


La grâce des oiseaux

Immense coup de cœur pour ce petit bijou, délicieusement bien écrit, empli de grâce et de sagesse, savant, sensible, touchant, intelligent, bref un appeau à superlatifs ! Jean-Noël Rieffel est vétérinaire et dirige l’antenne Centre-Val de Loire de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, dont les agents assurent la police de l’environnement (lutte contre le trafic d’animaux, contrôle de la chasse, préservation des espaces naturels…). Mais ce n’est pas l’objet de son livre. Il parle ici de sa passion : l’ornithologie, ce plaisir «simple et accessible à tous», cet «art de vivre». Il raconte comment il est devenu fou d’oiseaux dès l’enfance, le regard s’échappant par la fenêtre de sa classe, rêveur comme le cancre de Prévert. Comment son attrait irrésistible pour la vie ailée le plonge dans un «état de poésie permanent». Il nous enivre de mille et une beautés enchanteresses, nous ouvre son «herbier de sensations» glanées au fil de ses observations attentives de la nature. Ici, nous croisons des «étourneaux calligraphiant le ciel de décembre». Là, le «baume sonore» du loriot, ce «roi de la planque» si difficile à apercevoir malgré son plumage d’or. Ou le chant du merle, grave, flûté et enrichi de longues improvisations, qui a été célébré par la ballade Blackbird, des Beatles, et procure à l’auteur la même émotion que l’écoute du mythique Köln Concert, de Keith Jarrett. Diable. L’immense Keith Jarrett, ici ! Oui, comme Miles Davis – «un champ de blé sans alouette, c’est un Kind of Blue sans [sa] trompette» –, Chet Baker ou Franz Schubert. Dans cet ouvrage érudit, nous rencontrons autant le rossignol, le chardonneret ou la bécasse des bois que Nicolas de Staël, Herman Hesse ou Romy Schneider. Jean-Noël Rieffel en est convaincu, «les oiseaux nous apportent de la lumière», ils «nous amarrent au vivant», ils sont nos guides, «nous conduisent en quête de nous-mêmes : ils nous enseignent le silence, la patience, la solitude, le sens de l’émerveillement, nous interrogent sur notre rapport au temps, la fragilité de nos existences». C’est décidé, demain, nous investissons dans des jumelles et filons les admirer et les entendre tristiller, gringotter et dideluler.

Eloge des oiseaux de passage, journal d’un ornithologue un peu perché, de Jean-Noël Rieffel, Equateurs, 170 p., 18 euros