La défense de la biodiversité, ça marche. La conclusion de la dernière étude de Penny Langhammer, professeure associée à l’Université d’Arizona et vice-présidente de l’ONG Re : Wild, parue dans le magazine Science ce jeudi 25 avril, fait plaisir à lire. Et elle est a priori plutôt solide, puisqu’elle s’appuie sur l’analyse des résultats de 186 études évaluant les résultats d’action de conservation partout dans le monde. Au moins 44 000 espèces sont à risque d’extinction, et pourtant, «si l’on ne considère que la tendance au déclin des espèces, il serait facile de penser que nous ne parvenons pas à protéger la biodiversité, mais on n’aurait pas une vue d’ensemble de la situation», vante Penny Langhammer dans un communiqué.
Tous les types d’actions de protection de la biodiversité ont été pris en compte dans cette étude. De la création d’aire protégée à la lutte contre les espèces invasives en passant par les mesures de gestion durable des espèces exploitées. La question est de savoir si ces dispositifs sont bénéfiques pour la biodiversité par rapport au cours actuel des choses. Le résultat est «positif et significatif». L’éradication d’espèces invasives donne de particulièrement bons résultats, suivis par la protection des habitats et des écosystèmes.
Forêts, tortues et saumons
Par exemple, au Congo, les plans de gestion de la forêt permettent de diminuer la déforestation de 74 %. Une politique qui peut aussi aider à protéger les grands mammifères, selon une précédente étude dont Libé s’était fait l’écho. En Floride, aux Etats-Unis, des opérations de gestion des prédateurs des tortues ont permis d’augmenter le succès de la nidification de ces dernières. Dans l’Idaho, dans le même pays, les saumons capturés pour aider à leur reproduction ont 1,3 fois plus de descendants de deuxième génération que les autres. Au Brésil, les feux de forêts initiés par l’homme sont neuf fois plus nombreux hors des zones protégées.
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De fait, les principaux facteurs expliquant la crise de la biodiversité actuelle sont la destruction des habitats, les espèces invasives et la surexploitation pour les espèces pêchées, braconnées ou chassées. Une autre étude, publiée dans le même numéro de la revue Science, estime que 2 % à 11 % de la perte de la biodiversité au cours du XXe siècle est due au seul changement d’affectation des sols, premier facteur de l’érosion du vivant. Selon ce travail, le changement climatique pourrait bien devenir le principal facteur de déclin de la biodiversité d’ici le milieu du siècle.
Certaines actions contre-productives
La protection de la biodiversité est un défi grandissant et l’étude de Penny Langhammer est cruciale pour orienter les politiques publiques. «Cette étude a analysé les résultats de la conservation avec la même rigueur que dans les disciplines appliquées telles que la médecine et l’ingénierie», se réjouit Grethel Aguilar, directrice générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui a financé ces travaux nécessaires.
Et détermine que toutes les actions ne se valent pas. L’étude pointe l’application, aux Etats-Unis, d’un herbicide utilisé contre une plante invasive qui s’avéra tout aussi nocif pour les herbes locales. Ou encore l’instauration d’une aire de protection marine, au large de l’Australie, qui diminue la présence des hippocampes car elle permet à leurs prédateurs de pulluler. Pire, en Inde, l’arrachage à la main d’une algue invasive a permis de la disperser plus encore, notamment en raison de la dérive d’éléments arrachés. Agir oui, mais avec discernement.
Mais agir vite. Si les actions de conservation sont efficaces, les efforts globaux pour stopper la chute de la biodiversité restent insuffisants. L’étude estime entre 178 et 524 milliards de dollars annuels le plan d’investissement nécessaire. Un coût inférieur aux services apportés par la biodiversité, affirme l’article. Selon l’association Re : wild, la moitié du PIB mondial dépend, plus ou moins, des ressources naturelles.