Dans le parc national de Budj Bim, situé dans la région de Victoria, dans le sud-est de l’Australie, ses grandes oreilles rondes et sa fourrure grise sont traquées depuis les airs. Des tireurs d’élites installés dans des hélicoptères patrouillent depuis mi-mars au-dessus de la forêt à la recherche du moindre koala, cet emblème du pays, dans le cadre d’une vaste campagne d’euthanasie de l’animal. Au total, plus de 750 marsupiaux ont déjà été abattus sous la supervision du ministère de l’Energie, de l’Environnement et de l’Action climatique (Deeca), rapporte Skynews Australia.
Ces opérations inédites, décrétées par le gouvernement de l’Etat de Victoria, font suite à un incendie majeur survenu dans cette zone il y a plusieurs semaines, qui a ravagé plus de 2 000 hectares de forêt − en majorité des eucalyptus, dont les feuilles composent la nourriture de base des koalas – et laissant de nombreux animaux blessés, déshydratés ou affamés. D’après le Deeca, le parc naturel pourrait ainsi être inaccessible pendant «des semaines», empêchant de secourir les animaux. Sauver les koalas ou évaluer leur état de santé de près n’était alors pas envisageable pour les autorités «compte tenu de l’impossibilité d’accéder à pied en toute sécurité à de vastes zones de paysage impactées, en raison de l’éloignement des animaux, souvent situés en hauteur dans la canopée, du terrain extrêmement accidenté», se défend un responsable du ministère auprès de Vox.
La Première ministre de l’Etat de Victoria, la travailliste Jacinta Allan, a donc pris la décision d’autoriser ces tirs sur les koalas par hélicoptères, première opération du genre, déplorant «des choix déchirants». La responsable politique a affirmé que «des évaluations approfondies» avaient été conduites sur place, menant à la conclusion que les koalas concernés par cette mesure étaient «gravement blessés et en grande détresse». Contrairement à d’autres régions en Australie, le koala n’est pas classé comme une espèce menacée dans l’Etat de Victoria. Il relève seulement d’une «espèce indigène protégée».
«Cette mesure est catastrophique»
Le recours à cette méthode a toutefois suscité une levée de boucliers de la part des associations de défense animales. Jessica Robertson, présidente de l’association australienne Koala Alliance, fustige auprès de Libération une «opération totalement inhumaine et contraire à l’éthique». «Ils en ont déjà tué plus de 750, mais ce chiffre va continuer à augmenter», déplore-t-elle en ajoutant que les hélicoptères survolent toujours, à l’heure actuelle, le parc national de Budj Bim.
Selon la fondatrice de l’association, ces «tueries systématiques» ne peuvent pas être une solution de gestion durable des populations de koalas, d’autant «qu’il n’y a aucun moyen de vérifier l’état de santé d’un animal depuis un hélicoptère». «Cette mesure est sans précédent, et elle est catastrophique», ajoute-t-elle.
Auprès du Herald Sun, la représentante de l’Animal Justice Party dans l’Etat de Victoria, Georgie Purcell, a dénoncé l’absence de contrôle avant les tirs et s’inquiète du fait que des mères koalas ayant «des petits dans leur poche» puissent être prises pour cibles. «Je pense que tout le monde devrait s’alarmer de la méthode utilisée, a-t-elle alerté. Les programmes de tir aérien sont connus pour être peu fiables pour tuer correctement les animaux d’un seul coup.»
Déplacement massif de marsupiaux
En parallèle, Jessica Robertson pointe du doigt la gestion erratique des gommiers bleus, une espèce d’eucalyptus qu’on trouve dans la région de Victoria. Très présents autour du parc de Budj Bim, ces végétaux ont la particularité d’être «les seuls lieux refuges pour les koalas, et ce sont les seules plantes dont ils peuvent se nourrir».
Alors, «lorsque tous ces arbres ont été abattus dans la zone à côté du parc», les koalas ont «été obligés de se déplacer, et c’est pour ça qu’ils sont venus s’installer à Budj Bim». Ce déplacement massif de marsupiaux dans le parc a de fait entraîné une grande pression sur les ressources naturelles présentes, qui ont plus tard été réduites en cendre par l’incendie survenu fin février.
La présidente de l’association de défense des animaux met en avant «des décennies de mauvaise gestion» de la part du gouvernement local, qui n’a selon elle «jamais tenté de réguler ces cultures» et donc de protéger par extension les marsupiaux. Pour tenter «d’endiguer ce massacre», la Koala Alliance va mettre en ligne mercredi 23 avril une pétition pour demander un arrêt total des euthanasies en cours dans le parc national de Budj Bim.