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Changement climatique : dans le nord de la Californie, les jeunes requins blancs s’aventurent près de la côte

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Le réchauffement des océans provoqué par le changement climatique, on le sait, bouleverse les écosystèmes marins. Les requins n’hésitent ainsi plus à migrer vers le Nord, dans des zones auparavant réputées plus fraîches.
Un grand requin blanc au large de l'île Guadalupe, au Mexique. (Franco Banfi/Biosphoto.AFP)
publié le 4 octobre 2023 à 11h34

En Californie, les jeunes requins blancs ne s’aventuraient jamais près des plages de la moitié nord de l’Etat. Mais avec le réchauffement des océans provoqué par le changement climatique, ils migrent hors de leur zone habituelle et menacent l’équilibre des écosystèmes marins. Très tôt livrés à eux-mêmes, les jeunes spécimens supportent beaucoup moins bien l’eau froide que les adultes et recherchent donc les poches d’eau plus chaudes près des régions côtières.

Jusqu’à il y a une dizaine d’années, le terrain de jeu des jeunes requins blancs s’étendait au maximum jusqu’au sud de la Californie, où la température de l’eau est historiquement clémente. Aujourd’hui, ils n’hésitent plus à remonter la côte, vers des zones auparavant plus fraîches. Dans la baie de Monterrey, «nous avons constaté l’apparition soudaine de requins beaucoup plus petits que ce que l’on n’avait jamais vu auparavant», détaille Salvador Jorgensen, chercheur en écologie marine à l’université d’Etat de Californie. «Les températures des océans se sont réchauffées à la suite d’une série d’El Niño et de vagues de chaleur [marines].»

Attirés par la chaleur... et les loutres

Le scientifique sort régulièrement en mer pour équiper les jeunes requins blancs d’émetteurs acoustiques permettant de suivre leurs déplacements. Il est aux premières loges pour assister au bouleversement de l’écosystème local : les loutres de mer, qui fréquentent les forêts de varech (grandes algues), abondantes sur les côtes de Californie du Nord, subissent de plein fouet la migration des jeunes prédateurs. Car en grandissant, «les jeunes requins passent de la consommation de poissons et de calamars à celle de mammifères marins», explique-t-il. «Pour un requin inexpérimenté, une loutre peut sembler être la bonne cible.»

Et comme chaque écosystème est interconnecté, ces rencontres meurtrières ont des répercussions. Qui dit moins de loutres, dit moins d’animaux pour manger des oursins. Or si ces invertébrés friands de varech prolifèrent, les forêts d’algues peuvent être réduites à néant. Et sans elles, c’est tout un habitat crucial pour quantité de poissons, de mammifères et d’oiseaux qui disparaît.

Autre répercussion qui touche directement l’homme : les requins blancs n’attaquent les humains que très rarement, contrairement au mythe véhiculé par la franchise de Spielberg les Dents de la mer, tandis que les loutres de mer, elles, n’hésitent pas à partir à l’assaut des surfeurs. «Le nombre de morsures de loutres de mer a considérablement augmenté dans cette région», alerte le chercheur.