Chaque année, c’est la même rengaine. La France, championne d’Europe de l’abandon des animaux domestiques, ne semble pas vouloir perdre son titre. En 2023 encore, la Société protectrice des animaux (SPA) a pris en charge 44 844 animaux abandonnés ou maltraités, un chiffre en hausse de 1,5 % sur un an, qui atteint presque le record de 2019. Dans le même temps, les adoptions sont reparties à la baisse, déplore l’institution dans un communiqué. Conséquences d’un été catastrophique, où près de 17 000 animaux ont été abandonnés dans les refuges entre le 1er mai et le 31 août.
Sur toute l’année, l’association nationale a recueilli 28 652 chats, 13 124 chiens, 2 894 nouveaux animaux de compagnie (NAC) soit lapins, cochons d’Inde, furets… et 174 équidés, ainsi que quelques animaux de ferme. Du côté des adoptions, 40 587 animaux ont trouvé un nouveau maître l’an dernier, un chiffre en baisse de 1,5 % par rapport à 2022. La SPA a ainsi pu trouver une famille à 25 228 chats, 12 476 chiens et 2 767 NAC. Conséquence de cette hausse des accueils d’animaux et de la baisse des adoptions : les 64 refuges et maisons de la SPA «ont été saturés tout au long de l’année», regrette l’institution, qui alerte chaque année sur cette situation déplorable.
Interview
La SPA dénonce en particulier l’augmentation de la prise en charge des NAC depuis plusieurs années. «Ces petits animaux très représentatifs de l’animal-objet sont souvent acquis sans projet réfléchi», désapprouve l’institution. Dans le petit refuge de Cluses (Haute-Savoie), la responsable Anne-Sophie Perillat fait le même constat. «En 2023, nous avons récupéré 70 NAC, pour une capacité maximale de 10.» Les cages s’empilent dans le couloir. Ces petits animaux sont souvent achetés sur Leboncoin, «alors que c’est interdit», rappelle la gérante. «Il faut vraiment que des contrôles s’appliquent», exige-t-elle.
«La moyenne de temps de présence en refuge a augmenté»
L’augmentation des abandons de chiens «à la mode» ayant des besoins particuliers exigeant des connaissances particulières (tels que les malinois ou les bergers australiens) a parallèlement contribué à la saturation des refuges. «Nous récupérons souvent de jeunes chiens qui auraient des “problèmes de comportement”, mais c’est surtout un manque d’éducation», souligne Anne-Sophie Perillat. Côté chats, le refuge de Cluses accueille beaucoup de vieux félins, «qui ont des pathologies, de type diabète ou insuffisance rénale». Des animaux qui ne sont souvent pas les premiers à être adoptés, d’où la saturation des refuges. «La moyenne de temps de présence en refuge a augmenté», note la responsable du refuge haut-savoyard.
Heureusement, dès lors qu’un animal est adopté, c’est (souvent) pour la vie. Le taux de retour reste faible après une adoption à la SPA, à 3,2 % (-0,7 point par rapport à 2022). La SPA a également conclu en 2023 «un partenariat historique pour lutter contre la maltraitance animale» avec les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture, afin de mieux prendre en charge la maltraitance. Afin d’éviter des portées surprises de plusieurs chatons aux propriétaires de chats, source trop fréquente d’abandon, l’association a stérilisé plus de 5 000 chats errants.
L’année 2024 n’inaugure rien de bon. Les refuges, qui ne repartent pas de zéro, sont d’ores et déjà saturés. «On a commencé l’année avec un chien accroché devant la grille» du refuge, déplore Anne-Sophie Perillat. «C’est triste, mais on garde espoir, grâce à l’aide de tous les bénévoles qui sont là», remercie-t-elle les larmes aux yeux. Sur le terrain en 2023, 1 139 bénévoles délégués enquêteurs de la SPA ont traité 27 642 signalements, en hausse de 16 % en un an, ce qui n’a rien de réjouissant. Près de 18 000 enquêtes ont été menées l’an dernier et ont permis de sauver 3 884 animaux de la maltraitance afin de leur offrir une seconde chance.