«Trente ans que je grimpe et je trouve ça toujours aussi magnifique.» Jean-Noël Crouzat aime les falaises des gorges du Tarn et de la Jonte. Coprésident du club omnisports Aqua grimpe de Millau, dans l’Aveyron, il forme à l’escalade sur ces à-pics de roches dolomitiques, «une des plus grosses densités de falaises au monde». Les gorges du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie, ce sont ces canyons immenses, sinusoïdales d’arbres et de rocs entre des grands plateaux calcaires, au-dessus desquels il n’est plus rare de voir un fluide ballet de rapaces. Dès les années 80, le vautour fauve y fut réintroduit avec succès, trente ans après avoir été totalement annihilé. Sa mauvaise réputation et la peur de la vie sauvage en avaient fait le coupable idéal de la déprise agricole de l’entre-deux-guerres. Pourtant, les vautours faisaient bien partie du paysage ancestral. Pièces indissociables du pastoralisme, les volatiles jouent dans la chaîne alimentaire le rôle de cul-de-sac bactériologique, en se nourrissant des charognes d’animaux malades ou déjà morts, recyclage gratuit et bien plus efficace que n’importe quel équarrisseur humain.
Les rapaces étaient déjà là à la fin du XIXe siècle, quand s’inventait dans les vallées le tourisme dit aujourd’hui «de pleine nature», conduisant à percer dès 1904 l’emblématique route des gorges du Tarn, reliant Millau (Aveyron) à Florac (Lozère). Pendant un siècle s’y est pressée une bourgeoisie urbaine amatrice de grand air, désormais rejointe