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Dans les Hautes-Alpes, une piste de motoneiges au centre d’un parc national mobilise les écologistes

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Deux associations écologistes ont déposé mercredi un recours contre la mairie d’Orcières (Hautes-Alpes). Elles requièrent l’interdiction d’un circuit de motoneiges sur le domaine skiable de la commune en raison de ses atteintes à l’environnement.
Au sommet de la station de l'Alpe d'Huez (Isère). (Stéphane Frances/Only France.AFP)
publié le 7 décembre 2023 à 9h06

Dès l’ouverture des stations de haute montagne, mises en péril par le réchauffement climatique, les skieurs chaussent leurs skis pour dévaler les pistes. Certains préfèrent se tourner vers une autre activité : la motoneige, engin polluant et gourmand en énergie. Un loisir dans le viseur de deux associations écologistes, France Nature Environnement Paca et la Société alpine de protection de la nature. Elles ont déposé mercredi 6 décembre un recours gracieux à l’encontre du projet du maire de la ville d’Orcières, dans les Hautes-Alpes, qui consiste à déployer un circuit de motoneige sur son domaine skiable.

Dans leur communiqué, elles estiment que «ce sport de loisir est particulièrement attentatoire à l’environnement de ce site situé en plein cœur du Parc national des Écrins» et réclament une «vigilance particulière pour veiller à ce que la réglementation environnementale soit respectée».

La motoneige, illégale dans la plupart des stations

La pratique de la motoneige en tant que loisirs est en effet strictement encadrée en France. Elle est dans la plupart des cas interdite, en dehors de rares dérogations. «L’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins conçus pour la progression sur neige est interdite en France depuis 1991 sauf sur les terrains adaptés à la pratique de sports motorisés» et autorisés sur décrets du maire, détaille ainsi le code de l’environnement. Leur utilisation est également possible depuis 2016 pour transporter des clients dans des restaurants d’altitude.

Dans cette affaire, France Nature Environnement Paca conteste donc «la mise à disposition» par la mairie d’un circuit pour ces véhicules motorisés sur son domaine skiable d’Orcières Merlette. Une décision validée en février 2018 en conseil municipal. L’association juge que «la localisation de cette commune impose un respect accru des dispositions législatives et réglementaires afin d’asseoir juridiquement le projet du maire». Elle entend, avec ce recours, «faire respecter le droit», à la fois sur les caractéristiques du terrain «qui ne semblent pas répondre aux exigences du code du sport», et sur le manque de mesures «prises pour assurer la préservation de la biodiversité du site». Auprès du journal 20 minutes, Bernard Patin, membre de la FNE Paca, met en garde : «Si la mairie refuse de se conformer à la loi, nous irons au tribunal administratif.»

A l’opposé, Christophe Tison, président du syndicat professionnel quad et motoneige, cité par le même média, regrette un «lobbying énorme» mené par les associations écologistes et dénonce des procédures qui se multiplient. «Il faut rappeler qu’une station de ski s’apparente à un important parc d’attractions avec des pistes modelées et damnées la nuit par des engins mécaniques. […]. Dans cet environnement très travaillé, on est l’une des activités qui polluent le moins», complète-t-il.

Un sport motorisé qui perturbe la faune sauvage

Selon Bernard Patin, cette autorisation pour les motoneiges est «surtout une incitation à des pratiques hors domaine skiable, qui perturbent la faune sauvage, dont certaines espèces particulièrement vulnérables en saison hivernale». Les milieux de montagne hébergent de «nombreuses espèces adaptées aux milieux montagnards mais extrêmement sensibles au dérangement à cette période de l’année», précise l’Office français de la biodiversité.

C’est notamment le cas pour les tétras-lyres, une espèce d’oiseau emblématique de la chaîne alpine, ou les bartavelles, une perdrix rouge des montagnes. Dérangés par le bruit ou les lumières, ces animaux sont obligés de se déplacer de leur zone d’habitat initial. Ils puisent alors dans leur dernière réserve, ce qui peut représenter un réel danger pour leur santé. Même en haute montagne, au sommet des massifs enneigés, la faune ne jouit plus de sa quiétude.