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Alerte verte

Déforestation : la planète perd l’équivalent d’un terrain de foot toutes les 5 secondes

Selon un rapport du World Resources Institute (WRI) publié ce mardi 27 juin, la surface de forêt vierge détruite l’an dernier est supérieure de 10 % à celle de 2021. Au total, plus de 4,1 millions d’hectares de forêts primaires tropicales ont été coupés l’an dernier.
Une zone déboisée et détruite à Buriticupu, dans le nord-est du Brésil, le 21 avril 2023. (Nelson Almeida/AFP)
publié le 27 juin 2023 à 9h50

La planète a perdu en 2022 une surface de forêt vierge tropicale de 4,1 millions d’hectares, équivalente à la taille de la Suisse ou des Pays-Bas, selon une analyse de données satellitaires publiée ce mardi 27 juin par le World Resources Institute (WRI) ou Institut des ressources mondiales basé à Washington. Cela représente aussi un terrain de football d’arbres tropicaux que l’on a abattus ou brûlés toutes les cinq secondes, de nuit comme de jour l’an dernier.

Le pays le plus touché par la destruction de ces zones boisées cruciales pour la biodiversité de la planète et le stockage de carbone est le Brésil, avec une surface détruite qui représente 43 % des pertes mondiales, devant la République démocratique du Congo (13 %) et la Bolivie (9 %). Ces coupes ont lieu en grande majorité au profit de l’agriculture et de l’élevage.

«Nous sommes en train de perdre l’un de nos outils les plus efficaces pour combattre le changement climatique, protéger la biodiversité et soutenir la santé et les moyens de subsistance de millions de personnes», a déploré lors d’une conférence de presse Mikaela Weisse, directrice du GFW.

2,7 milliards de CO2 libérés

Les forêts primaires tropicales détruites en 2022 ont ainsi libéré 2,7 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Inde, pays le plus peuplé du monde, selon le WRI, qui pilote ce rapport. Et la destruction forestière se poursuit inexorablement avec une hausse de la surface détruite de 10 % supérieure à celle de 2021, malgré les engagements pris lors de la COP26 à Glasgow en 2021 par les principaux dirigeants du monde.

«Depuis le début de notre siècle, nous avons assisté à une hémorragie de certains des systèmes écoforestiers les plus importants de la planète, malgré des années d’efforts pour inverser la tendance», a souligné Weisse, la directrice du GFW. A l’échelle de la planète, la végétation et les sols absorbent à eux seuls près de 30 % des émissions carbones depuis 1960, mais celles-ci ont augmenté de moitié. Quelque 1,6 milliard de personnes, dont près de la moitié appartient à des populations autochtones, dépendent directement des ressources forestières pour vivre.

Une déforestation aggravée sous Bolsonaro

Au Brésil, la déforestation n’a cessé de s’aggraver durant la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2023), augmentant encore de 15 % en un an, selon le rapport annuel du GFW. Durant le mandat de l’ex-président d’extrême droite, l’administration brésilienne a fermé les yeux sur la déforestation illégale, affaibli les droits des autochtones et démantelé la politique environnementale du pays. Son successeur, le président Luiz Inacio Lula da Silva, investi en janvier, s’est engagé à mettre fin à la destruction de l’Amazonie brésilienne d’ici à 2030. Les experts estiment cependant qu’il devra relever de nombreux défis pour y parvenir.

Les scientifiques craignent en effet que le bassin amazonien, malmené par le changement climatique et la déforestation, se transforme à terme en savane. Une transition qui aurait pour conséquence de dérégler profondément les conditions météorologiques de l’Amérique du Sud et du reste de la planète. Quelque 90 milliards de tonnes de CO2 sont stockées dans les arbres et les sols de la forêt amazonienne, soit deux fois les émissions annuelles mondiales. «Stopper et inverser la disparition des forêts est l’une des manières d’atténuer (la situation) les plus rentables dont nous disposons aujourd’hui», a prévenu Frances Seymour, experte du WRI.

En République démocratique du Congo, plus d’un demi-million d’hectares de forêts ont été détruits en 2022, selon le rapport. Principalement à cause de l’agriculture et de la production de charbon de bois vital pour les foyers, dont 80 % n’ont pas d’électricité. Un accord d’un demi-milliard de dollars, visant à protéger la forêt tropicale du bassin du Congo, avait pourtant été signé par la RDC en 2021. Mais il a été sapé par un récent appel d’offres de permis pétroliers et de blocs gaziers lancé par les autorités.

Sur la troisième marche du classement, la Bolivie n’a pas réussi à réduire le rythme de sa déforestation qui a augmenté de 32 % par rapport à 2021. «La majorité des pertes s’est produite dans des zones protégées, qui couvrent les dernières parcelles de forêt primaire du pays», indique le rapport. La production de cacao, l’extraction d’or et les incendies en sont les principales raisons, selon les chercheurs.

En Indonésie en revanche, la destruction forestière s’est ralentie pour la cinquième année consécutive. L’archipel, responsable de 5 % des pertes mondiales en 2021, a vu l’étendue de ses surfaces abattues divisée par plus de quatre depuis 2016. Dans le top 10 du classement de 2022 figurent ensuite le Pérou (3,9 % de la déforestation mondiale), la Colombie (3,1 %), le Laos (2,3 %), le Cameroun (1,9 %), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (1,8 %) et la Malaisie (1,7 %).