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Libération
Bonne nouvelle

Le nombre de rhinocéros augmente pour la première fois depuis dix ans, grâce aux programmes de conservation en Afrique

La population mondiale de ces pachydermes au rôle écologique majeur comptait environ 27 000 individus à la fin de l’année 2022. Cette hausse encourageante témoigne du succès de certains programmes de conservation en Afrique.
Le kilo de corne se négocie aux alentours de 60 000 dollars, rivalisant avec les prix de l’or et de la cocaïne. (Eko Siswono Toyudho/Anadolu. AFP)
publié le 22 septembre 2023 à 19h50

Un peu de répit pour les rhinocéros. La population mondiale de ces bestioles aux allures préhistoriques s’étoffe timidement, ce qui est une belle surprise après des décennies de descente aux enfers. Celle-ci comptait environ 27 000 individus en fin 2022, contre 26 272 un an plus tôt, selon des données publiées jeudi 21 septembre par le groupe de spécialistes du rhinocéros d’Afrique de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Parmi ceux-ci, 23 290 peuplaient le continent africain à la fin de l’an dernier, soit une hausse de 5,2 % par rapport à 2021, selon l’ONG. Une bonne nouvelle, certes mais ces chiffres sont encore loin d’atteindre le demi-million qu’ils étaient au début du XXe siècle.

Le nombre de rhinocéros noirs en Afrique a augmenté de 4,2 %, atteignant les 6 487 individus. Du côté des rhinocéros blancs, l’ONG recense une hausse de 5,6 % avec 16 803 spécimens. Une première depuis 2012. L’UICN attribue ces chiffres encourageants à «une combinaison d’initiatives de protection et de gestion biologique» de ces pachydermes. «Avec ces bonnes nouvelles, nous pouvons pousser un soupir de soulagement pour la première fois depuis dix ans», se réjouit Michael Knight, qui préside ce groupe dédié aux rhinocéros africains à l’UICN. Avant de relativiser : «Il est impératif de ne pas baisser la garde.»

Le braconnage alimenté par la demande de cornes

Redoubler de vigilance s’avère même primordial car le braconnage, lui aussi, se porte bien. Il est alimenté par une forte demande de cornes de rhinocéros dans les pays d’Asie, où elles sont utilisées par la médecine traditionnelle pour leurs effets thérapeutiques présumés et servent de béquille symbolique aux hommes en panne de libido. Avec, à la clé, un trafic ultra-lucratif et des prix qui flambent : le kilo de corne se négocie aux alentours de 60 000 dollars (56 000 euros), rivalisant avec les prix de l’or et de la cocaïne.

Résultat : selon l’UICN, au moins 561 de ces animaux ont été tués par des braconniers en Afrique en 2022. Un chiffre en hausse (501 tués en 2021 et 503 en 2020), mais loin du pic de la crise de 2015, pendant laquelle 1 349 rhinocéros africains avaient été braconnés. La plupart des attaques de 2022 ont eu lieu en Afrique du Sud (448 braconnés, contre 451 en 2021), ce pays abritant près de 80 % des rhinocéros de la planète. Les braconniers y ciblent de plus en plus les réserves privées. La Namibie en a recensé 87 braconnés en 2022 contre 45 l’année précédente. Au Kenya, les chiffres officiels ne font état que d’un rhinocéros tué en 2022, contre six en 2021.

Un rôle écologique majeur

Le rôle écologique des grands animaux d’Afrique, tels que les rhinocéros, est majeur. «Ils créent des habitats pour d’autres espèces, offrant des opportunités pour des programmes de restauration et de réensauvagement, souligne l’UICN. Une population prospère de rhinocéros africains sauvages pourrait aussi contribuer au bien-être des populations locales, en attirant des touristes du monde entier, en créant des emplois et en contribuant au développement économique.»

L’UICN cite un projet de reproduction de rhinocéros blanc en captivité mené par l’ONG African Parks, dont le but est de relâcher 2 000 animaux dans la nature au cours de la décennie. Admettant que trouver et sécuriser des habitats suffisamment vastes pour accueillir de grandes populations de rhinocéros constitue «un défi», elle estime qu’une des solutions est d’impliquer davantage les populations locales dans la protection de ces mammifères.

Las, une ombre ternit ce tableau plus gai qu’à l’accoutumée. Au-delà de l’Afrique, les rhinocéros ne se portent pas bien du tout. En Inde et au Népal, si le nombre de rhinocéros indiens a grimpé d’un chouïa, à 4 018 individus, soit quatre de plus qu’en 2021, le braconnage y reste «très préoccupant», indique l’UICN. Et en Indonésie, la situation est critique pour les rhinocéros de Java et de Sumatra. Chacune de ces espèces compte aujourd’hui moins de 80 individus, sans doute bien moins. A quand une embellie durable pour les cinq espèces mondiales de rhinocéros ?