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Fourmi de l’enfer : un fossile vieux de 113 millions d’années découvert au Brésil

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Cette trouvaille prouve que les fourmis existent depuis plus longtemps qu’on ne le pensait, révèle une étude publiée jeudi 24 avril. Selon les chercheurs, cet insecte empalait ses proies à l’aide de mâchoires semblables à des faux.
L’espèce fossile, qui a été baptisée Vulcanidris cratensis, avait des mâchoires en forme de faux qu’elle utilisait probablement pour épingler ou empaler ses proies. (Anderson Lepeco/DR)
publié le 25 avril 2025 à 12h33

C’est une découverte majeure, qui rebat les cartes de nos connaissances sur les insectes. Un fossile découvert dans la collection d’un musée brésilien a révélé le plus ancien spécimen de fourmi connu de la science, révèle une étude publiée jeudi 24 avril dans la revue Current Biology.

Cette fourmi préhistorique vivait parmi les dinosaures il y a 113 millions d’années ‐ environ 13 millions d’années avant les fourmis découvertes précédemment, rapporte la chaîne CNN. Anderson Lepeco, chercheur au musée de zoologie de l’université de São Paulo, explique être tombé sur ce spécimen «extraordinaire» en septembre 2024, alors qu’il examinait une collection de fossiles conservée au musée de zoologie de l’université de São Paulo.

Fourmi de l’enfer

Le musée possède l’une des plus grandes collections d’insectes fossilisés au monde et contient des spécimens de la formation de Crato, dans le nord-est du Brésil, un gisement géologique réputé pour sa préservation exceptionnelle des fossiles. Conservé dans le calcaire, l’insecte est une «fourmi de l’enfer», membre d’une sous-famille appelée Haidomyrmecinae qui vivait au Crétacé, il y a entre 66 et 45 millions d’années. Elle n’est apparentée à aucune fourmi vivant aujourd’hui.

Cette nouvelle espèce, qui a été baptisée Vulcanidris cratensis, a des mâchoires en forme de faux qu’elle utilisait probablement pour épingler ou empaler ses proies. «J’ai été choqué de voir cette projection bizarre à l’avant de la tête de cet insecte», détaille Anderson Lepeco, auteur principal de l’étude. «D’autres fourmis de l’enfer ont été décrites avec d’étranges mandibules, mais il s’agissait toujours de spécimens d’ambre.» En effet, il est rare de trouver des insectes conservés dans de la roche, comme c’est le cas pour ce fossile. D’autres fourmis de l’enfer du Crétacé ont été découvertes dans de l’ambre provenant de France et de Birmanie, mais elles datent - seulement - d’environ 99 millions d’années.

Ce fossile est «très important», abonde Phil Barden, professeur associé à l’Institut de technologie du New Jersey, qui étudie l’histoire de l’évolution des insectes et qui n’a pas participé à l’étude. «Cette nouvelle découverte représente désormais la plus ancienne fourmi connue, et prolonge d’environ dix millions d’années le registre fossile connu pour les fourmis», a-t-il ajouté. «Bien que des fourmis fossiles aient été décrites depuis le XIXe siècle… Jusqu’à présent, on ne savait pas si l’absence de fourmis de plus de 100 millions d’années était due au fait qu’elles n’existaient pas ou simplement au fait qu’elles n’étaient pas préservées dans des gisements où l’on cherchait», a-t-il détaillé.

Désormais, on sait que la fourmi de l’enfer a vécu bien avant, sur le territoire qui est aujourd’hui le Brésil. Cela signifie que ces insectes étaient déjà largement répandus sur la planète à un stade précoce de leur évolution, notent les auteurs de l’étude.

Caractéristiques semblables aux guêpes

Les fourmis intriguent depuis longtemps les scientifiques par leurs extraordinaires capacités d’organisation, leur vie sexuelle surprenante et leurs aptitudes, notamment l’amputation de leurs blessés pour leur sauver la vie et leur odorat extrêmement puissant. Avec près de 20 quadrillions (un million puissance 4) d’individus répartis sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique - soit 2,5 millions pour chaque humain -, le spécimen est l’un des groupes d’insectes les plus visibles et les plus abondants de la planète.

Elles ont évolué à la fin du Jurassique et au début du Crétacé, il y a environ 145 millions d’années, lorsque les ancêtres des fourmis ont divergé du groupe qui allait donner naissance aux guêpes et aux abeilles. De fait, la fourmi fossilisée tout juste découverte présente des caractéristiques semblables à celles des guêpes, ce qui témoigne de l’ascendance commune des deux insectes.

Les chercheurs ont recouru à une technique d’imagerie en 3D qui utilise les rayons X pour visualiser l’intérieur de la fourmi. Ainsi, ils ont pu observer ses caractéristiques anatomiques inhabituelles. Les fourmis modernes ont des mâchoires qui s’agrippent latéralement, c’est-à-dire d’un côté à l’autre. Or, cette fourmi possédait des mâchoires en forme de faux, parallèles à la tête et projetées vers l’avant, près des yeux.

«Cela aurait pu fonctionner comme une sorte de chariot élévateur, se déplaçant vers le haut» alors que la fourmi s’attaquait à d’autres insectes, remarque Anderson Lepeco. «La morphologie complexe suggère que même ces fourmis les plus anciennes avaient déjà développé des stratégies prédatrices sophistiquées très différentes de leurs homologues modernes.»