Dans Océans, film de 2009 de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, dont François Sarano a été conseiller scientifique et coscénariste, l’homme-grenouille que l’on voit nager avec le grand requin blanc épaule contre nageoire, c’est lui. Depuis des décennies, l’océanographe, 67 ans, parcourt ce monde mystérieux et indispensable qu’est l’océan, à la rencontre des squales, des cachalots, des dauphins, des coraux ou des crocodiles de mer.
Il a pourtant commencé sa carrière loin de l’eau et des animaux, plus près des pierres et des hommes : professeur de sciences naturelles, féru de géologie et de physiologie cérébrale, il aurait aussi pu devenir paléo-anthropologue. Mais l’appel de l’océan et l’amour de la plongée ont été plus forts. Devenu docteur en océanographie et plongeur professionnel, sa vie a basculé en 1985, quand il a croisé la route de Jacques-Yves Cousteau. Conseiller scientifique du commandant au bonnet rouge et chef d’expédition de la Calypso, il a participé à une vingtaine d’expéditions pendant treize ans. Désormais, avec sa femme Véronique, elle aussi océanographe, entre l’écriture d’un livre – le prochain portera sur les requins et sera publié en 2022 chez Actes Sud – et d’un scénario de documentaire, il étudie les cachalots au large de l’île Maurice. Il leur a donné des prénoms : Eliot, Arthur, Irène Gueule Tordue, Germine… Et tente de les comprendre, de se plonger dans leur Umwelt («monde propre»), pour tisser des liens.
Car François Sarano en est convaincu : celui ou celle qui peut échanger avec un cachalot, ou qui au moins essaie de le faire, saura communiquer et partager avec des hommes et des femmes d’autres cultures, d’autres religions. C’est son cap, son «étoile polaire» : réconcilier les humains avec la vie sauvage, puisque c’est au contact de celle-ci, de la nature indomptée, qu’Homo deviendra sapiens et saura vivre en société, en paix. Cette vie sauvage comme source de quiétude, de sagesse et de concorde est au cœur de la réflexion, de la philosophie et de la quête de François Sarano.
Avec Véronique, il a fondé en 2002 l’association Longitude 181, qui s’attache à la préservation de l’océan, ce dernier grand territoire sauvage. Il multiplie les conférences, aussi. Formidable conteur, il captive son auditoire en imitant un cachalot ou un grand requin blanc avec force gestes et mimiques. Il nous prend par la main et nous emmène sous la surface des choses, à la rencontre de ceux qui peuplent notre océan si précieux. Mais aussi et surtout à la rencontre de nous-mêmes.