La forêt qui entoure le petit village de Prospérité, dans le nord-ouest de la Guyane, le chef Roland Sjabere la décrit comme «une mère qui nourrit son petit, une pharmacie pour le peuple, un lieu de transmission, une aire de jeu pour les enfants». Un élément essentiel pour la survie des 200 Kali’nas, un des six peuples autochtones de Guyane, qui habitent Prospérité. «Sans la forêt, on n’est rien, on est mort», résume Roland Sjabere, le ton calme et grave, depuis un petit bureau de Paris, où il est de passage en cette fin novembre pour recevoir le prix annuel de la fondation Danielle-Mitterrand. Mais ces derniers mois, sous les coups de bulldozers, protégés par des escadrons de gendarmerie, des dizaines d’hectares ont été rasés. «Pour cette partie-là de la forêt, c’est fini : on ne la reverra plus.»
A moins de deux kilomètres de Prospérité, là même où les Kali’nas ont pour habitude de chasser, la Centrale électrique de l’ouest guyanais (Ceog), «plus grand projet au monde […] stockant des énergies renouvelables intermittentes grâce à l’hydrogène», selon ses promoteurs, est en construction. 70 panneaux solaires doivent être installés en pleine forêt amazonienne pour alimenter en électricité verte 10 000 foyers régulièrement touchés par des coupures dans la région. Le projet est mené depuis 2017 par la société Hydrogène de France (HDF) et porté par le fonds d’investissement Meiridma, soutenu par l’Etat et la plupart des élus de Guyane. Cette année-là,