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Bonne nouvelle

Le frelon-géant éradiqué du sol américain grâce à une coopération entre scientifiques et citoyens

La biodiversitédossier
Entre pièges, traceurs sur l’insecte et destruction des nids, les Etats-Unis sont venus à bout, en moins de cinq ans, de l’énorme bestiole venue d’Asie. Une stratégie payante à recycler le jour où l’espèce arrivera en France.
Le frelon-géant d'Asie fait 5 centimètres de longueur et jusqu'à 9 centimètres d'envergure. (marinecat268/Getty Images)
publié le 19 décembre 2024 à 18h36

Bon débarras. Les autorités américaines se sont félicitées, ce jeudi 19 décembre, d’avoir officiellement éradiqué le frelon-géant, cinq ans après l’avoir repéré pour la première fois dans l’Etat de Washington, près de la frontière canadienne. Ce Vespa mandarinia, plus gros frelon au monde et particulièrement friand d’abeilles, n’y a plus été détecté depuis 2021, a souligné le département de l’Agriculture du pays. Un laps de temps suffisamment long pour en déduire que les actions menées conjointement par les citoyens américains et les scientifiques ont eu raison de l’insecte.

42 morts en Chine

La nécessité d’éradiquer cette espèce exotique envahissante originaire d’Asie a été immédiatement prise au sérieux. L’insecte de 5 centimètres de longueur avait déjà fait parler de lui en 2013 - il avait tué 42 personnes en Chine et gravement blessé un millier d’autres. «Sa piqure est réputée pour être douloureuse mais il en faut plusieurs centaines pour tuer un humain, nuance Hugues Mouret, entomologiste et directeur scientifique de l’association naturaliste Arthropologia. Excepté, évidemment, pour les personnes allergiques». Ce qui inquiète surtout les autorités, c’est la menace que fait peser le frelon-géant sur la biodiversité et plus encore sur les abeilles domestiques. En quelques heures, cet insecte XXL peut détruire une colonie entière en décapitant ses proies.

Vraisemblablement arrivé sur le continent américain par le Canada, en août 2019, via le commerce de pots de fleurs, le frelon-géant a été signalé par un résident américain du comté de Whatcom dès le mois de décembre. À l’été 2020, un apiculteur fait également part d’attaques sur ses ruches. Les habitants jouent alors le jeu et acceptent de placer des pièges sur leurs propriétés. Grâce à ces précieuses alertes, les scientifiques parviennent à capturer un frelon vivant la même année. En lui attachant un traceur GPS, ils parviennent à le suivre jusqu’à son nid afin de l’anéantir. Entre 2020 et 2021, quatre nids sont détruits, et plus de 1 000 pièges posés à travers l’Etat.

Vigilance

Malgré le succès de l’opération, les autorités américaines restent très vigilantes : un résident du comté de Kitsap aurait signalé une nouvelle observation en octobre, sans confirmation scientifique pour le moment. Hugues Mouret abonde : «est-ce que l’espèce s’est dispersée vers le sud, est-ce qu’elle a envahi une maison abandonnée ? On n’a pas la preuve absolue de son éradication, ni la garantie qu’elle ne revienne pas». Il suffit d’une fondatrice importée d’Asie, cette femelle chargée de féconder et de construire le nid, pour que tout recommence.

Si l’Europe est pour le moment épargnée par la présence de cette espèce, de nombreux autres frelons sévissent sur le continent. En France, la propagation du Vespa velutina, ou frelon à pattes jaunes, a été exponentielle. A tel point que la méthode américaine ne peut être transposée. «Ça aurait pu être possible la ou les deux premières années suivant son arrivée, en 2004-2005. Aujourd’hui c’est impossible, l’espèce est bien trop implantée. Il faut apprendre à vivre avec», avance Hugues Mouret. La signalisation de nids reste primordiale pour «limiter sa présence localement». Il faut également améliorer les pièges qui ne sont pas assez sélectifs et capturent toute sorte d’insectes. Le spécialiste ne désespère pas pour autant : «On ne sait pas de quoi l’avenir est fait : l’arrivée d’un virus, l’adaptation d’un prédateur voire une régulation naturelle pourrait venir changer la donne».