Le Parlement européen a tranché en faveur du déclassement du statut de protection du loup, jeudi 8 mai. En session plénière, à Strasbourg, les eurodéputés ont soutenu à une large majorité (371 voix pour, 162 contre et 37 abstentions) la proposition de la Commission visant à modifier le statut de protection de l’animal en le faisant passer de «strictement protégé» à «protégé».
Le texte vise à transposer dans le droit européen les récentes modifications de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage. La droite (PPE), l’extrême droite et les libéraux ont majoritairement voté pour, contrairement aux écologistes et à la gauche radicale, tandis que les socialistes se sont montrés divisés.
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«Les Etats membres disposeront désormais d’une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs populations de loups afin d’améliorer la coexistence avec l’homme et de réduire au minimum l’impact de la population croissante de loups dans l’UE», a précisé le Parlement à l’issue du vote. Le loup, qui avait été exterminé au début du XXe siècle dans plusieurs pays, dont la France, a fait un grand retour ces dernières années, pour atteindre 20 300 individus en 2023 dans l’Union européenne.
«Davantage de souplesse»
Concrètement, cette évolution législative va faciliter les tirs et l’abattage de loups dans les régions où la proximité de l’animal avec le bétail est jugée trop menaçante. «Les Etats membres resteront responsables des plans de gestion du loup, mais disposeront de davantage de souplesse qu’aujourd’hui, j’espère que cela va faciliter la coexistence», a plaidé mercredi 7 mai Herbert Dorfmann, eurodéputé italien du PPE.
«On ne délivre pas un permis de tuer, on donne plus de latitude pour des dérogations locales, le loup reste une espèce protégée», estime, lui, l’eurodéputé de Renew Pascal Canfin, auprès de l’AFP. La rétrogradation du statut du loup ne devrait pas changer grand-chose en France, jugeait en fin d’année Dominique Humbert, président de l’Observatoire du loup. Paris autorise en effet déjà, par dérogation, à tuer le canidé dans des conditions très précises pour protéger des troupeaux.
«Les institutions européennes ont choisi d’ignorer la science»
Ainsi, dans l’Hexagone, les loups, qui régulent les populations de certains animaux sauvages, comme les chevreuils ou les sangliers susceptibles de faire des dégâts dans les forêts ou les cultures, ont vu leurs effectifs diminuer de 8 % au sortir de l’hiver 2023-2024.
De leur côté, les associations de protection de la nature et des animaux mettent en garde contre un risque de fragilisation de l’espèce. Jean-David Abel, en charge du dossier loup à la fédération associative France Nature Environnement, avait dénoncé dans Libération fin décembre un déclassement «purement politique» et «non fondé sur la science.» Ce jeudi, Ilaria Di Silvestre, porte-parole du Fonds international pour le bien-être animal fait elle aussi part de son mécontentement : «Il n’y a pas de données justifiant un abaissement du niveau de protection, mais les institutions européennes ont choisi d’ignorer la science.»
Reportage
Le PPE, premier groupe du Parlement et famille politique de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, est à l’initiative du dépôt du texte, né du constat d’«une augmentation des conflits entre loups et éleveurs». Depuis que son vieux poney a été tué par un loup en 2022 dans la propriété familiale du nord de l’Allemagne, la présidente défend avec véhémence le déclassement du statut de protection de l’animal, alertant sur le «réel danger» des meutes de loups pour le bétail dans certaines régions.
Ces dernières années, le nombre d’attaques d’élevages se stabilise pourtant autour de 12 000 par an, et ce alors que le nombre de loups a largement augmenté. Un phénomène s’expliquant entre autres par les mesures de protection des troupeaux ainsi que par l’expansion du prédateur dans des territoires moins pastoraux.
Le projet de loi doit maintenant être formellement approuvé par le Conseil. La directive entrera ensuite en vigueur vingt jours après sa publication au Journal officiel de l’UE et les Etats membres auront alors dix-huit mois pour s’y conformer. Toutefois, ces derniers «doivent continuer à garantir un état de conservation favorable de l’espèce», rappelle le Parlement européen, et peuvent continuer à l’inscrire en tant qu’espèce strictement protégée dans leur législation nationale.