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Le Parlement européen évacue l’interdiction du chalutage dans toutes les aires marines protégées

Macron réélu pour un second mandatdossier
Ce mardi, un amendement pour exclure la pêche industrielle des zones protégées n’a pas été retenu, au grand dam des ONG de défense de l’environnement. Les eurodéputés y ont préféré une mesure plus restreinte.
Photo d'illustration de pêche au chalut dans le golfe de Gascogne. (Victor Bonilla/Hans Lucas)
publié le 3 mai 2022 à 17h59
(mis à jour le 3 mai 2022 à 19h55)

Malgré la pression des ONG, le Parlement européen manque une occasion de mieux protéger les océans et leur biodiversité. Réunis en session plénière ce mardi à Strasbourg, les eurodéputés n’ont pas validé l’interdiction totale du chalutage, méthode de pêche particulièrement destructrice, dans l’ensemble des aires marines protégées. Ces zones, qui devraient couvrir 30% des océans en 2030, sont pour l’heure très peu ou pas soumises à des restrictions et la pêche industrielle peut s’y dérouler. Seules les aires marines dites «strictement protégées», moins nombreuses, sont préservées de la présence de bateaux qui traînent d’énormes filets et raclent les fonds marins.

«Triste journée»

L’eurodéputée belge du groupe des Verts Caroline Roose avait profité du vote d’un rapport d’initiative sur l’économie bleue pour introduire un amendement ambitieux : l’interdiction du chalutage dans toutes les aires marines dites «protégées» en Europe. En France, l’association Bloom avait mené une campagne pour sensibiliser à cette mesure et ainsi mettre fin à l’absurdité. Les Amis de la Terre, France Nature Environnement ou encore des scientifiques ont soutenu cette position.

Mais cet amendement a été contré par un autre beaucoup moins restrictif, poussé par un eurodéputé macroniste au Parlement de Strasbourg: Pierre Karleskind. Membre du groupe centriste Renew Europe et président de la Commission Pech du Parlement européen, ce dernier avait en effet proposé d’interdire les méthodes de pêche néfastes dans les aires strictement protégées, ce qui est déjà le cas, en introduisant des conditions. Bref une interdiction mais à portée très réduite. Dans une interview accordée à Libération, Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, avait dénoncé cette manœuvre qu’elle qualifiait d’«enfumage».

Finalement, ce mardi, les eurodéputés ont voté en majorité pour l’amendement de Pierre Karleskind (319 pour, 280 contre et 35 abstentions). «Triste journée», a tweeté Caroline Roose. «Les conservateurs et une partie des libéraux se rangent du côté des lobbies de la pêche industrielle plutôt que des océans et du climat», a pour sa part dénoncé l’eurodéputée française Marie Toussaint. La droite et l’extrême droite ont voté favorablement, tandis que les Verts et la gauche s’y sont opposés.

La macronie dans le viseur

Le vote du groupe centriste Renew Europe était scruté de près. Il est décevant et divisé. Dans le camp français, les LREM Stéphane Séjourné et Pascal Canfin ont finalement voté contre l’amendement considérant qu’il était insuffisamment protecteur des fonds marins. Une façon de ne pas prendre à contrepied la volonté exprimée par le candidat Macron de redoubler d’ambition pour l’environnement.

L’eurodéputée belge Frédérique Ries, vice-présidente de Renew a, elle aussi voté contre. Elle a regretté sur Twitter «une occasion manquée» pour des mesures plus ambitieuses. «C’est un véritable désastre pour le climat et la biodiversité», s’est aussi désolée Claire Nouvian sur Twitter. Et d’ajouter : «C’est clair, Emmanuel Macron : votre «nation écologique» est une imposture».

Ces votes ne sont pas destinés à se transformer en lois immédiatement, mais la Commission européenne pourrait s’en inspirer. Elle doit dévoiler un plan d’action pour la conservation marine et des pêches au printemps.

Mise à jour à 19 h 50 avec la rectification des votes des eurodéputés LREM Pascal Canfin et Stéphane Séjourné.