Retrouvez dans notre dossier tous les articles du «Libé des animaux» consacré à leur actualité.
Un chien roux et blanc, court sur pattes, avance sagement dans les rues de Bunkyo, un arrondissement de Tokyo : jusqu’ici rien d’étonnant, à ceci près qu’en l’espace de deux heures, cette simple vidéo a été vue 20 000 fois sur Instagram. Le chien d’une star ? Presque. Il y a bien une star dans cette histoire : c’est le chien. Nous sommes sur le compte de Maru, un élégant shiba inu japonais suivi par 2,5 millions de fans, ce qui le situe, en termes d’abonnés, entre la chaîne américaine NBC et la chanteuse Aya Nakamura. Des millions de followers et autant de maîtres et maîtresses virtuelles : dans leur fil d’actualité, les abonnés de Maru applaudissent chaque faits et gestes du chien, commentent ses siestes, ses rencontres, ses promenades, ses repas… Une audience considérable transformée en commerce. Depuis deux ans, Maru dispose de sa propre boutique. Une enseigne en ligne qui existe aussi dans la «vraie» vie, à Tokyo, où chaque objet que pourrait proposer un influenceur existe en version shiba : coque de téléphone, calendrier, tee-shirt, portefeuille, carnet, étui pour boîte de mouchoirs… L’entrée du magasin propose même des gashapon, ces distributeurs à tirettes dont raffolent les Japonais, où quelques yens permettent de délivrer figurines et porte-clés à l’effigie du chien.
Promenades en poussette
Au sein d’Instagram, le hashtag #ShibaInu débouche sur un monde sidérant, où ces chiens à l’allure de renard sont traités comme des humains. Vêtements et costumes, nourriture fine, mises en scène délirantes : le shiba inu est un animal à haut potentiel instagrammable, comme en témoigne le compte de Zero & Mika, un couple de chiens vivant à Hongkong. Les deux shibas vivent dans un espace à leur gloire : tapis, coussins et serviettes de plage à leur effigie sont régulièrement présents dans le décor de leur appartement, autant d’objets que l’on retrouve à l’unité dans leur boutique. Les deux chiens sont aussi des étendards. Commerciaux, comme avec cette story montrant Mika faisant la promotion d’un service de livraison de fruits frais, ou ces nombreux posts où les deux animaux dégustent leur viande dans une gamelle Le Creuset. Politiques aussi, quand leur maîtresse les fait poser avec le dernier exemplaire du journal Apple Daily, pour soutenir le quotidien indépendant lors de sa disparition en juin dernier.
Mais comme pour les vrais influenceurs, le succès de ces animaux les expose aussi aux mauvais aspects des réseaux sociaux, comme le harcèlement et les moqueries. A Taiwan, la chienne Moja est régulièrement moquée pour son surpoids, au point d’être devenue un mème. Des vidéos sur YouTube compilent les moments où l’animal dodu peine à monter ou descendre les escaliers, et des commentaires négatifs accompagnent parfois les photos où la chienne grignote un biscuit ou ses promenades en poussette en raison de ses articulations douloureuses. Lassée de devoir se justifier, sa propriétaire indique désormais dans la «bio» du compte de Moja que la chienne souffre de problèmes de glandes et qu’elle est restée neuf ans au régime. Et d’ajouter, en anglais : «Je l’aime de tout mon cœur.» Un amour qu’elle partage avec plus de 80 000 abonnés, moins quelques haters.