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Biodiversité

Les membres de l’UE ont donné leur accord pour réduire la protection des loups

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Face à l’augmentation de la population du canidé, plus de quinze pays de l’UE ont accepté de revenir sur le statut de l’animal, qui pourrait passer d’une «protection stricte» à une «protection simple». Les loups seront ainsi éliminés plus rapidement lorsqu’ils sont jugés trop nombreux dans une région.
France, Moselle, Rhodes, parc animalier de Sainte Croix, loups noirs de Timberwolf. (Denis Bringard/Hemis.AFP)
publié le 25 septembre 2024 à 17h38

Une nouvelle étape franchie dans un long dossier. Les Etats membres de l’Union européenne ont donné leur feu vert ce mercredi 25 septembre pour réévaluer à la baisse les normes de protection du loup. L’Union européenne fait ainsi passer d’une «protection stricte» à une «protection simple», afin de faciliter l’élimination des loups lorsqu’ils sont trop nombreux dans certaines régions.

Quasiment éradiquée au XXe siècle, la population de loups augmente au sein de l’Union, avec environ 20 300 individus en 2023, dans 23 pays, soit 900 loups de plus qu’en 2022. Un effectif qui a doublé en 10 ans. En France, le nombre de loups, naturellement réapparu dans les Alpes du Sud par l’Italie, augmente de 15 à 20 % par an, jusqu’à atteindre 1 104 individus en septembre 2023 dans 55 départements, contre 430 en 2018. Sur l’ensemble du territoire, le loup fait en moyenne plus de 12 000 victimes par an dans les troupeaux.

La France et l’Allemagne aux avant-postes

Le 20 décembre 2023 Commission européenne avait décidé de prendre le sujet à bras-le-corps et a présenté le dossier aux Etats membres. Neuf mois plus tard, la proposition a recueilli une majorité qualifiée à Bruxelles lors d’une réunion entre les représentants permanents auprès de l’Union. Une requalification du statut des loups approuvée par une quinzaine d’Etats, dont la France et l’Allemagne.

La ministre allemande de l’Environnement, l’écologiste Steffi Lemke, a surmonté ses réserves : «la population de loups s’est tellement développée ces dernières années que cette décision [est] nécessaire pour les éleveurs.» La prochaine étape sera l’examen de cette proposition par la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage, avant une possible modification de la législation européenne selon la décision.

Ce projet va dans le sens des agriculteurs européens qui font face à la perte de leur bétail. En Autriche où l’animal a fait son retour progressivement depuis 2009, le sujet a envahi les tabloïds et les réseaux sociaux cet été, avec des appels d’éleveurs à une «régulation massive» de l’animal.

A l’automne 2023, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a perdu elle-même son vieux poney tué par un loup dans la propriété familiale du nord de l’Allemagne, plaidait pour abaisser le niveau de protection de l’animal. «La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme», lançait la dirigeante allemande, s’attirant les foudres des ONG.

Des associations vent debout

Les associations environnementales sont montées au créneau à plusieurs reprises pour réclamer un maintien du statut actuel, c’est-à-dire à dire d’une protection stricte. L’assouplissement des règles est une «proposition politiquement motivée et qui n’est pas du tout fondée sur la science», a accusé Sabien Leemans, chargée de la biodiversité au sein de l’ONG environnementale WWF. «La principale différence [entre la protection stricte et la simple] est que cela permettrait de chasser les populations de loups».

En voulant réviser le statut du loup, «la Commission met également en danger d’autres espèces : plusieurs pays se sont déjà ainsi engagés dans la brèche pour demander le déclassement de l’ours et du lynx», mettaient aussi en garde onze associations au mois de mars.

Les défenseurs de l’environnement plaident pour l’application de solutions «déjà existantes de cohabitation», comme la protection des troupeaux avec chiens de protection, des clôtures, ainsi que la mise en place de bénévoles pour la surveillance des troupeaux de nuit. Les tirs ne devraient intervenir qu’en «ultime recours» si l’effarouchement a échoué, estiment-ils.

En vertu de la directive européenne «Habitats» de 1992, la plupart des populations de loups en Europe bénéficient actuellement d’une «protection stricte», assortie de possibilités de dérogations. Des loups peuvent être tués pour protéger des troupeaux, dans des conditions très précises.

En France, où 1 003 loups ont été recensés en 2023, environ 20 % sont tués chaque année et les autorités ont prévu de simplifier les procédures de tirs. En 2022, les indemnisations pour des dégâts causés par les loups s’élevaient à quatre millions d’euros dans le pays – nettement moins que les 65 millions d’indemnisations pour les dégâts des sangliers et cervidés.