Ces titans rougeâtres peuvent atteindre 90 mètres de haut, avec un tronc de 9 mètres de diamètre. Mais alors que les plus vieux d’entre eux ont 3 200 ans, les séquoias sont désormais en danger d’extinction à cause du réchauffement climatique et son lot de sécheresse et d’incendie.
En 2020 et 2021, des feux gigantesques ont ravagé ces trésors américains emblématiques de la Californie, changeant peut-être pour toujours le visage des forêts du «Golden State». Jusqu’à 14 000 séquoias ont péri dans ces flammes, soit 19% de la population mondiale de ces arbres, menaçant leur renouvellement. Alors, faut-il laisser la nature faire son œuvre ou lui donner un coup de pouce ? Le débat agite les scientifiques californiens, à l’aube d’un programme de reforestation inédit.
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Pour tenter de réparer les dégâts, le service américain des parcs nationaux (NPS) compte replanter de jeunes séquoias cultivés en laboratoire. «L’objectif est de rétablir suffisamment de séquoias au cours des premières années suivant les feux, pour que nous ayons des arbres dans soixante, cent ou quatre cents ans», explique l’écologue Christy Brigham.
Jadis très répandus, on ne les trouve plus désormais que sur une bande d’environ 350 kilomètres en Californie. Ces merveilles «nous aident à penser le temps long lorsque nous soupesons nos actions, à considérer des choses comme le changement climatique et la gestion des forêts», souligne Christy Brigham. Deux facteurs qui contribuent à la mauvaise santé des séquoias, malgré leur réputation d’immortels.
Carburant idéal pour les incendies
Certes, le feu peut aider à la régénération des séquoias : les flammes nettoient et nourrissent le sol autour d’eux, et leurs cônes, des excroissances qui ressemblent à une pomme de pin, ont besoin d’une chaleur intense pour expulser les graines fertiles qu’ils renferment. Mais les humains ont déréglé ce cycle naturel. Pendant des décennies, la Californie a volontairement préservé la végétation de nombreuses futaies. Les séquoias sont donc désormais entourés d’arbres plus petits et de bois mort. Et les sécheresses, de plus en plus fréquentes et intenses à cause du réchauffement climatique, ont transformé cette verdure environnante en carburant idéal pour les incendies.
Dans ces conditions, les mégafeux américains de 2020 et 2021 ont fait des ravages dantesques. Des arbres millénaires ont été réduits à des cadavres noircis. Les flammes ont atteint leur cime et «brûlé des arbres de 60 mètres de haut, ce que nous n’avions jamais vu auparavant», rappelle Christy Brigham. Après leur passage, «nous avons vu très peu de cônes et pratiquement aucun jeune plant». De quoi assombrir l’avenir de ces géants.
Dans certaines zones, les forestiers des parcs nationaux considèrent qu’il n’y a plus assez de séquoias survivants ou de jeunes plants viables pour permettre une renaissance. «Ces futaies ne se rétabliront pas sans restauration», estime Andrew Bishop, un autre écologue du parc. Sans séquoias capables de se reproduire, «lorsqu’il y aura des feux à l’avenir, […] il n’y aura plus de police d’assurance» pour garantir la renaissance des géants.
D’où le programme de reforestation. Plutôt que de laisser des arbres à la croissance plus rapide, comme les pins et les chênes, envahir les forets, Christy Brigham et ses collègues veulent planter des milliers de mini-plants de séquoias importés de pépinières. Le projet s’étalerait sur plusieurs années et coûterait 4,4 millions de dollars (4 millions d’euros), à condition que les autorités donnent leur feu vert en octobre.
«Lorsque les humains interviennent, ils sont rarement très utiles»
Un diagnostic loin de faire consensus. Pour Chad Hanson, directeur de l’association environnementale John Muir Project, lui aussi écologue, le programme de reforestation est une hérésie car la nature fait déjà son travail. Dans les zones brûlées, «il y a tellement de jeunes plants de séquoias […] qu’il est difficile de marcher», argue-t-il. Selon lui, le NPS a simplement mal effectué son recensement et les agents chargés du replantage risquent d’écraser les bébés séquoias, si petits qu’ils sont difficiles à discerner. «Ils vont probablement en tuer beaucoup plus qu’ils ne prévoient d’en planter», insiste-t-il.
Introduire de jeunes séquoias cultivés en pépinière augmente également le risque de transmettre des maladies aux arbres adultes, explique-t-il. «Lorsque les humains interviennent, ils sont rarement très utiles», résume le scientifique, très réticent à jouer avec cet écosystème.
Solutions
Mais pour les gestionnaires du parc, cette idée de nature vierge capable de s’occuper d’elle-même est désuète à l’heure du changement climatique. Entre les politiques de gestion de la forêt et notre dépendance aux énergies fossiles, «nous avons déjà affecté cette zone sauvage», rétorque Christy Brigham. «Si nous n’intervenons pas, nous perdrons des parties de cette forêt.» Et une forêt sans séquoia retiendrait moins d’eau, stockerait moins de carbone et ne permettrait plus de ralentir la course folle du réchauffement climatique.