Menu
Libération
Biodiversité

Loi sur la nature : les pays européens, divisés, mettent le texte sous cloche

Après le revirement de la Hongrie, le vote de l’une des pièces maîtresses du Pacte vert par les ministres de l’Environnement de l’UE a été annulé à la dernière minute. Son avenir semble incertain.
un bocage traditionnel avec talus et grands arbres et petites parcelles à Maël-Plestivien (Côtes-d'Armor), le 2 mai 2023. (Fabrice Picard/Vu pour Libération)
publié le 26 mars 2024 à 15h31

Décidément, rien ne lui sera épargné. Après avoir subi de nombreux amendements moins-disants et des va-et-vient incessants entre les différentes institutions européennes, la législation sur la restauration de la nature, pièce maîtresse du Pacte vert («Green Deal») mise sur la table par la Commission européenne en 2022, semble de nouveau très mal en point, si ce n’est en péril. Lundi, à Bruxelles, les ministres de l’Environnement des vingt-sept Etats membres devaient se réunir lors d’un Conseil européen pour adopter le texte. Mais le vote a été annulé à la dernière minute en raison de la volte-face surprise de la Hongrie (finalement résolue à ne plus soutenir ce projet de loi) et du risque trop grand de ne pas obtenir la majorité requise pour passer cette étape finale.

Approuvé le 27 février par les eurodéputés réunis à en plénière à Strasbourg, la législation vise à réparer des décennies de dégâts causés à la faune et à la flore sur terre et dans les cours d’eau. Elle impose notamment aux pays de l’Union européenne d’instaurer, d’ici à 2030, des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’Union, puis, d’ici à 2050, sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Selon Bruxelles, 80 % des habitats naturels dans l’Union européenne sont dans un état de conservation «mauvais ou médiocre» (tourbières, dunes, prairies particulièrement), et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé.

Le dernier revers à l’agenda environnemental de l’Union européenne

L’annulation du vote est le dernier revers porté à l’agenda environnemental de l’Union européenne, édulcoré de toutes parts ces derniers mois dans un contexte de crise agricole et de prochaines élections européennes sous haute pression de l’extrême droite. «Le secteur agricole est un secteur très important, non seulement en Hongrie, mais partout en Europe», a ainsi justifié Anikó Raisz, secrétaire d’Etat hongroise à l’Environnement, pour expliquer le revirement de Budapest.

En opérant ce changement in extremis, la Hongrie rejoint donc le camp des pays opposés à la législation, à savoir l’Italie, les Pays-Bas et la Suède. L’Autriche, la Belgique, la Finlande et la Pologne, elles, avaient l’intention de s’abstenir lors du vote. Toute la question est désormais de savoir quand les ministres de l’Environnement se réuniront de nouveau lors d’un Conseil pour se pencher sur la législation. Et si une majorité peut être trouvée d’ici là. Si l’un de ces huit pays changeait de position, la loi pourrait être adoptée. Alain Maron, le ministre belge de l’Environnement qui a présidé les discussions lundi, a signalé que les négociations se poursuivraient, mais qu’il n’était pas certain que les changements apportés à la loi puissent convaincre les opposants. «Nous ne savons pas exactement quelles sont les raisons pour lesquelles certains pays s’opposent à cette loi… il est possible qu’ils changent d’avis», a-t-il déclaré devant la presse. «Il est clair pour tout le monde qu’il y a cette énorme impasse. Et il ne sera pas facile d’en sortir compte tenu des élections [européennes du 8 et 9 juin ndlr] à venir», a exprimé, de son côté, le ministre néerlandais du Climat, Rob Jetten, opposé à la loi.

Un «signal désastreux»

Fervent défenseur de la législation depuis le début, Virginijus Sinkevicius, commissaire européen chargé de l’environnement, a prévenu que l’abandon du projet de loi pour une durée indéterminée enverrait un «signal désastreux» concernant la crédibilité de l’Union européenne. «Nous nous leurrons si nous prétendons que nous pouvons gagner notre lutte contre le changement climatique sans la nature», a-t-il insisté.