Oubliez le requin dans la Seine à la sauce Netflix. Ce squale, un vrai, a été aperçu dans des eaux qu’il n’aurait jamais dû déserter. Début novembre, un grand requin blanc a été filmé par un pêcheur de Toulon dans le parc national de Port-Cros, près du littoral varois. Le spécimen a été observé se promenant à l’est de l’île de Porquerolles, à 600 mètres au large de la pointe du Sarranier, dans une zone réputée pour la richesse de sa faune et de sa flore.
A Var-Matin, Henri Cavillon, le pêcheur amateur de 67 ans qui a capturé en vidéo le grand requin blanc, raconte sa rencontre avec le requin. «Ce matin-là, je ne prenais rien, se rappelle-t-il. Et puis, vers 11 heures, j’ai vu de loin cet aileron. Même si en mer on voit beaucoup de choses, il a éveillé ma curiosité, alors je me suis approché et j’ai coupé le moteur en arrivant à 20 mètres de lui. Après, c’est lui qui s’est approché tout doucement de moi. Il est passé à côté du bateau, puis dessous une autre fois et au bout de trois ou quatre passages, il est reparti tout tranquillement.»
«Un requin ne fait pas le printemps»
Le pêcheur amateur partage sa trouvaille avec des membres de l’Association pour l’Etude et la Conservation des Sélaciens, qui à leur tour font passer la vidéo à Matthieu Lapinski, président de l’association Ailerons et de l’observatoire de «sciences participatives» autour des poissons cartilagineux en Méditerranée. Transmises au Muséum National d’Histoire Naturelle, les images sont ensuite analysées par les chercheurs qui confirment la découverte.
Libé des océans
Dans un message posté sur Facebook le 14 novembre, Matthieu Lapinski, se réjouit de cette nouvelle. «Les conclusions sont simples, il s’agit d’un grand requin blanc (Carcharodon carcharias), fait savoir le spécialiste. Une superbe nouvelle pour cette espèce classée “En Danger Critique d’Extinction” et ayant quasiment disparu de nos côtes françaises, et même de la Méditerranée du fait de niveau de protection très disparate en fonction des pays. […] L’individu n’a pas été réobservé depuis.»
Joint par Libération, l’océanographe et plongeur François Sarano, auteur du livre Au nom des requins publié chez Actes Sud en 2023, se réjouit de la présence d’un grand requin blanc dans les eaux du parc de Port-Cros. «Mais un requin ne fait pas le printemps. Ce n’est pas parce qu’on en voit un que la population va mieux, pointe le spécialiste. La population méditerranéenne est en danger critique d’extinction, alors qu’elle était extrêmement abondante jusqu’au milieu du XIXe siècle.»
Reportage
Selon plusieurs experts, ce déclin peut s’expliquer au-delà des prises directes par la pêche intensive du thon rouge, aliment principal du requin blanc dans les eaux méditerranéennes. Pour François Sarano, les images du squale au large de Porquerolles devraient contribuer à faire accepter les requins : «On passe des heures à dire que ces animaux ne sont pas dangereux si on les traite avec égard, avec respect et calme. Mais on voit malheureusement que l’emballement médiatique autour du grand requin blanc alimente la peur alors qu’il devrait la désamorcer.»
D’après les dernières estimations de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la population de grand requin blanc en Méditerranée est très faible : quelque 250 spécimens et aucun n’est balisé, au contraire de certains requins de l’océan Atlantique ou Pacifique. D’où la rareté de leur observation. En septembre 2022, un grand requin blanc de Méditerranée avait toutefois déjà été filmé par des pêcheurs, non loin des côtes de la Camargue. En Méditerranée, plus de 50 % des espèces de requins et de raies sont menacées d’extinction, dont le grand requin blanc. A l’échelle mondiale, l’espèce est en revanche «seulement» considérée comme «vulnérable».
Mis à jour à 16 h 39 avec l‘océanographe et plongeur François Sarano.