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Libération
Témoignage

Paul Watson : «J’espère bien éradiquer la chasse à la baleine avant de mourir»

En détention à Nuuk, au Groenland, l’activiste fondateur de l’ONG de protection des océans Sea Shepherd, attend de savoir s’il sera extradé au Japon. De sa cellule, le «capitaine», qui écrit et regarde des séries, dénonce la vendetta du Japon qui défend «leur chasse à la baleine».
Rassemblement à Rennes le 31 août pour demander la libération de Paul Watson. (Hans Lucas.AFP)
publié le 2 septembre 2024 à 17h05

Depuis sa prison groenlandaise, à Nuuk, Paul Watson poursuit son combat contre la chasse à la baleine. Le militant écologiste américano-canadien, inlassable défenseur des cétacés, est sous le coup d’une demande d’extradition du Japon. «S’ils imaginent que cela va empêcher notre opposition ! J’ai seulement changé de navire, et mon navire actuel, c’est “Prison Nuuk”», lance le «capitaine» Watson avec un sourire malicieux lors d’une interview à l’AFP.

Les faits qui sont reprochés à «l’éco-guerrier» de 73 ans, fondateur de l’ONG Sea Shepherd et de la fondation en faveur des océans qui porte son nom, remontent à 2010. Le Japon l’accuse d’être responsable de dommages sur l’un de ses baleiniers et de blessures envers son personnel, lors d’une campagne anti-chasse conduite en Antarctique par son association. Le «pirate des mers», selon ses détracteurs, récuse les faits reprochés. Il a été menotté par la police danoise sur le pont de son bateau le 21 juillet alors qu’il venait se ravitailler en carburant avant de poursuivre sa route vers le Pacifique Nord, en quête du Kangei Maru, le nouveau navire-harpon usine de la flotte nippone.

«Ils veulent m’utiliser à titre d’exemple pour montrer qu’on ne touche pas à leur chasse à la baleine», argue Paul Watson, dénonçant une vendetta. Le 15 août, la justice groenlandaise a décidé de prolonger sa détention provisoire jusqu’au 5 septembre. Le tribunal de Nuuk doit statuer mercredi 4 septembre sur le maintien ou non de cette détention. La décision concernant la demande d’extradition, éminemment plus politique et pour laquelle aucune date de rendu n’a encore été annoncée publiquement, incombe au ministère danois de la Justice.

En attendant, celui qui habite en France depuis près de deux ans reste derrière les barreaux pour éviter tout risque de fuite, selon le parquet à Nuuk. En 2012, alors sous le coup d’un mandat d’arrêt international formulé par le Costa Rica (retiré depuis), puis par le Japon, il avait fui précipitamment sa résidence surveillée à Francfort en Allemagne, par crainte d’être extradé au Japon. Il était parvenu à rejoindre la mer du Nord, perruque sur la tête et visage imberbe, avant de filer au large. D’après l’activiste, sa détention à Nuuk devrait encore être prolongée cette semaine.

Copenhague reste mutique

De sa cellule du centre pénitentiaire, un bâtiment gris moderne situé à flanc de rochers, il peut admirer baleines et icebergs. «C’est presque comme si j’étais à l’avant de mon bateau», souffle-t-il à l’AFP. Le militant semble inébranlable, sauf quand il pense à la séparation avec ses enfants de 3 et presque 8 ans. Il lit beaucoup, vient de dévorer une anthologie sur les papes, regarde des séries policières, mais surtout fait ce qu’il «sait faire de mieux : écrire». Le septuagénaire confie ses textes à Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France, qui lui rend visite quasi quotidiennement.

Deux pétitions demandant la libération de Paul Watson ont été lancées cet été. L’une, adressée à Emmanuel Macron, recense plus de 760 000 signatures, tandis que l’autre, adressée à la première ministre danoise Mette Frederiksen, en recense près de 175 000. Au Groenland, les détenus sont compatissants, malgré son opposition à la chasse au phoque, traditionnelle sur l’île arctique. «Je reçois énormément de lettres, beaucoup d’entre elles viennent d’enfants, se félicite ce misanthrope autoproclamé. Ils sont extrêmement passionnés par le monde, et si nous parvenons à atteindre les enfants, je pense que les choses peuvent changer.»

Sur le plan politique, Paris a demandé à Copenhague de ne pas l’extrader mais le gouvernement danois reste mutique. «Le Danemark est dans une situation très difficile, ils ne peuvent pas m’extrader d’une part parce qu’ils sont de fervents défenseurs des droits de l’homme», estime le militant, pour qui le système judiciaire japonais est «médiéval». D’autre part, «je n’ai rien fait et même si j’avais fait quelque chose, la peine serait de 1 500 couronnes (quelque 200 euros), même pas une peine de prison, alors que le Japon veut me condamner à 15 ans», assure-t-il.

Funambule

Aujourd’hui, deux bateaux restent stationnés dans chacun des hémisphères, prêts à intervenir si l’une des puissances baleinières la reprenait – avec le Japon, la Norvège et l’Islande sont les seuls pays à autoriser la chasse à la baleine. «En 1974, mon objectif était d’éradiquer la chasse à la baleine et j’espère bien le faire avant de mourir», lance-t-il. D’ailleurs, assure-t-il aussi, lui et ses compagnons de combat ne font que s’assurer du respect des sanctuaires marins. «J’interfère de manière agressive non violente», explique le militant aux cheveux blancs rebelles. Pour lui, pas de contradiction possible entre ces termes : «Cela signifie que j’essaierai de prendre le couteau de la personne qui essaie de tuer une baleine, mais que je ne la blesserai pas.» Et d’assumer jouer au funambule entre violence et pacifisme : «Je ne franchis pas [cette ligne ndlr], je n’ai jamais blessé personne.»