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Protection des océans : des ONG portent plainte à Bruxelles pour l’arrêt du chalutage de fond dans les aires marines «protégées»

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Cinq collectifs ont saisi la Commission européenne, mardi 29 avril. Elles accusent la France, l’Italie et l’Allemagne de manquer à leur devoir de sauvegarder quinze écosystèmes marins, en violation d’une directive européenne datant de 1992.
La nouvelle campagne Océan de Greenpeace dénonce la mauvaise protection des aires marines «protégées» et documente la pêche au chalut dans la Manche. A Dunkerque, le 12 décembre. (Pierre Larrieu/Hans Lucas. AFP)
publié le 29 avril 2025 à 18h19

Dans certaines aires marines protégées européennes, le chalutage profond est encore autorisé. Cette technique de pêche destructrice, qui vise à racler les fonds marins sans discernement, est au cœur d’une plainte, déposée mardi 29 mars par cinq associations auprès de la Commission européenne.

Ces organisations européennes – l’Environmental Justice Foundation, Blue Marine Foundation, ClientEarth, Défense des milieux aquatiques et la Deutsche Umwelthilfe (Fondation allemande pour la protection de l’environnement) – accusent la France, l’Allemagne et l’Italie de manquer «gravement et systématiquement à leur devoir de protection des écosystèmes marins vulnérables, en violation du droit européen».

Prévue par le droit européen, cette procédure prévoit que, après avoir été saisie, Bruxelles évalue la plainte, avant de décider de la classer ou de lancer une procédure d’infraction contre les Etats membres concernés.

Les législations environnementales de l’Union européenne, notamment la directive «Habitats», imposent des mesures de protection de la vie marine, «mais la réalité est tout autre», pointent ces ONG. Selon elles, les gouvernements européens continuent d’autoriser des techniques de pêche dévastatrices dans les aires marines protégées, anéantissant des habitats fragiles.

Malgré l’entrée en vigueur de cette directive depuis 1992, «90 % des habitats et espèces marines protégés en France restent en mauvais état de conservation, faute d’application» de réelles mesures de protection, souligne Philippe Garcia, le président de l’ONG Défense des milieux aquatiques.

Et l’ampleur du problème est alarmante : le chalutage de fond est actuellement pratiqué dans 77 % des sites Natura 2 000 marins français, 85 % des sites allemands et 44 % des sites italiens, des zones censées être des refuges sûrs pour la faune marine.

«Montrer l’ampleur du problème»

«La plainte porte sur quinze sites marins Natura 2 000 où de nombreuses preuves démontrent que le chalutage de fond se poursuit sans restriction, endommageant des habitats sensibles tels que les récifs, les herbiers marins et les bancs de sable», précisent les associations. Des procédures ont également été engagées devant des juridictions françaises et allemandes.

«Nous appelons la Commission européenne à agir avec détermination et urgence : à engager des procédures d’infraction, faire respecter la législation européenne et de faire en sorte que son pacte pour l’océan soit plus qu’une simple déclaration, explique Marie Colombier, chargée de campagne Océan à l’Environmental Justice Foundation. Ces législations ne sont pas facultatives. Ne pas les respecter, c’est anéantir la faune et la flore marine, la santé de nos océans et l’avenir des communautés de pêcheurs à travers l’Europe.»

«Les autorités allemandes ont reconnu l’année dernière que le chalutage de fond était la principale cause de dégradation des habitats de la mer du Nord, mais elles ne prennent aucune mesure», fustige de son côté Svane Bender, responsable du département conservation de la nature à la Deutsche Umwelthilfe.

La saisine de la Commission européenne n’aboutira pas forcément mais elle a le mérite, selon les ONG, d’alerter sur l’impact du chalutage de fond, à l’approche de la conférence des Nations unies sur l’Océan (Unoc 3), qui se tiendra du 9 au 13 juin à Nice. «La plainte au niveau européen est une procédure qui est longue, mais c’est un levier stratégique pour montrer l’ampleur du problème», considère Marie Colombier.

Suppression du chalutage de fond d’ici 2030

La Commission européenne doit répondre dans un délai d’un an après réception de la plainte. Elle peut décider d’engager une procédure d’infraction contre les pays concernés ou de clore le dossier. La Fondation pour la justice environnementale et l’ONG Défense des milieux aquatiques ont déjà formé une action judiciaire en février contre le gouvernement français pour avoir autorisé le chalutage de fond dans ses aires marines protégées.

Malgré tout, conformément à ses engagements pour protéger la biodiversité, l’Union européenne prévoit d’éliminer progressivement cette technique de pêche décriée dans ses aires marines protégées d’ici 2030.