C’est une invasion lente mais inexorable. Les chenilles processionnaires ont désormais colonisé l’ensemble des départements de France métropolitaine, poussées par la douceur hivernale et le réchauffement climatique, pointent les experts. Nouveau symbole d’une nature déboussolée avec les températures anormalement élevées de ce début d’année, les œufs éclosent plus vite et les larves pullulent. Ces insectes urticants pour l’homme et les animaux provoquent de vives irritations, parfois dangereuses. Explications.
Où les trouve-t-on ?
Ces chenilles ont été identifiées sur l’ensemble de la France métropolitaine. Il n’y a plus aucun département qui échappe à l’une ou l’autre des espèces – de pin et de chêne –, quand ce ne sont pas les deux qui sont présentes, souligne l’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire (Anses). Selon la liste publiée en décembre par cette agence, 9 027 communes du pays sont classées à risque pour cette menace, soit presque une ville sur quatre, rappelle Franceinfo.
Selon l’agence sanitaire, la chenille processionnaire n’est pas une espèce invasive puisqu’elle est originaire des forêts de conifères des régions atlantique et méditerranéenne. Mais «les hivers de moins en moins rigoureux ont permis sa remontée sur tout le territoire». L’espèce étend son implantation vers le nord-est depuis les années 60 et progresse vers le nord et l’Ile-de-France depuis 2010. L’expansion de son aire de répartition fait d’ailleurs partie des biomarqueurs du changement climatique retenus par l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
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«Pour se nourrir, la chenille a besoin d’une température qui est relativement douce», avec un minimum d’«environ 9 °C à l’intérieur du nid en journée et zéro la nuit», explique Alice Samama, de l’Observatoire des espèces à enjeux pour la santé humaine. «On peut légitimement penser que le dérèglement climatique a une incidence sur l’évolution des zones occupées par les chenilles», abonde Emmanuel Gachet, chef de l’unité expertise sur les risques biologiques à l’Anses. Dans les Yvelines par exemple, 70 % des 259 communes sont touchées, et une sur cinq au niveau 1, le plus élevé, selon l’Anses.
A quelle période se développent-elles le plus ?
Les chenilles du pin et du chêne n’ont pas la même saisonnalité, note l’Anses. Ainsi, les risques s’observent à deux périodes de l’année quand elles descendent des arbres pour se transformer en papillon : de janvier à mai, avec un pic en mars pour la chenille du pin ; et d’avril à août, avec un pic en juin pour celles du chêne.
Les vagues de chaleur automnales, comme en a connu la France ces derniers mois, et les hivers doux favorisent l’éclosion précoce des œufs et la croissance des larves, accélérant les pics de quelques semaines.
Quels sont les risques ?
En 2022, l’agence a ajouté la chenille processionnaire du pin et du chêne parmi les espèces dont la prolifération a un impact sur la santé humaine. En cas de contact, des symptômes peuvent apparaître comme des plaques de boutons, des conjonctivites ou des problèmes respiratoires, la plupart du temps bénins. Très visibles sur les troncs d’arbres à hauteur d’homme, puis à terre, elles peuvent toutefois être attrapées par les jeunes enfants et portées à la bouche, ce qui représente un risque majeur d’intoxication, met en garde l’Anses. De même chez les personnes allergiques, qui peuvent aller jusqu’au choc anaphylactique.
La chenille processionnaire a envahi l'ensemble de l'Hexagone. Une prolifération accentuée par le réchauffement climatique. Ce nuisible urticant, dangereux pour les humains et les animaux domestiques, pullule notamment dans les Yvelines #AFPVertical ⤵️ pic.twitter.com/9NR8xeiCnN
— Agence France-Presse (@afpfr) February 19, 2024
Chez les animaux domestiques, les chiens ont tendance à jouer avec ces chenilles à la queue leu leu. «Ce qui peut amener à une nécrose de la langue et potentiellement à la mort de l’animal», met en garde Emmanuel Gachet.
Enfin, ces insectes sont une menace pour les exploitations forestières car les chenilles grignotent les végétaux, causant de véritables ravages.
Pourquoi sont-elles urticantes ?
Les chenilles processionnaires ont des poils extrêmement urticants qui contiennent une protéine toxique. «On n’est pas obligé de toucher la chenille pour être atteint», explique Alice Samama. «Si elle se sent en danger, elle expulse ses poils, qui sont très volatils et qui peuvent se déposer partout, y compris sur du linge qui sèche».
L’analyse des données des centres antipoison a montré que, dans un cas sur deux, les personnes exposées n’avaient pas vu de chenilles. Elles ont été exposées à des poils déposés par le vent sur leurs habits, le pelage d’animaux, du matériel de jardinage, une terrasse, etc. pointe l’Anses.
Comment les éviter ?
Puisque les chenilles processionnaires ont été classées en espèce nuisible pour la santé, les autorités sont obligées de mettre en place des stratégies pour lutter contre leur prolifération. Il existe des «écopièges», des sortes de sacs placés sur les troncs dans lesquels tombent les chenilles, ainsi que des insecticides plus ou moins naturels. On peut également favoriser ses prédateurs naturels, comme la chauve-souris et la mésange. Les nids, enfin, peuvent être détruits par des professionnels équipés.
L’Anses précise néanmoins qu’il «n’est pas possible d’éradiquer ces deux espèces». Reste que certains simples conseils peuvent être appliqués : se tenir éloigné et ne surtout pas toucher les chenilles, leurs nids ainsi que les arbres infestés. Il faut aussi éviter de faire sécher du linge à proximité, se frotter les yeux et se laver les mains après une balade en forêt.