«SOS Océan». Le nom choisi pour le sommet piloté ces dimanche 30 et lundi 31 mars par l’Elysée et le ministère des Affaires étrangères est sans appel. Perte de biodiversité, canicules marines de plus en plus dévastatrices, montée des eaux, appétit d’entreprises minières pour les gisements des fonds marins, surpêche, pollution chimique et plastique… En 2025, les menaces pesant sur l’océan n’ont jamais été aussi nombreuses.
A un peu plus de deux mois de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc-3) qui se tiendra du 9 au 13 juin à Nice, décideurs politiques, scientifiques, représentants d’ONG et d’organisations internationales ou encore philanthropes sont conviés aux musées de l’Homme et de la Marine à Paris, de dimanche soir à lundi début d’après-midi. Histoire d’échanger sur les enjeux liés à la protection des écosystèmes marins et de l’économie bleue. La Tour Eiffel prendra à cette occasion une teinte turquoise, dimanche vers 21 heures, précise le ministère des Affaires étrangères.
La diplomatie de l’océan gagne du terrain
«L’événement SOS Océan a pour objectif d’attirer l’attention sur l’état de l’océan et sur les mesures à prendre pour le préserver. C’est essentiel pour maintenir une régulation du climat, la sécurité alimentaire, la biodiversité et ses multiples bénéfices», pointe le directeur de recherche CNRS au laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes), Jean-Pierre Gattuso, qui fait partie des invités. «Un manifeste sera rendu public à cette occasion», précise-t-il. Ce texte, qui sera lu par l’acteur Harrison Ford – il avait déjà donné sa voix à l’océan il y a dix ans – aux côtés de la célèbre biologiste marine Sylvia Earle et du navigateur polynésien Nainoa Thompson, résumera les leviers d’action majeurs à mener selon les signataires issus de la société civile (ONG, scientifiques, personnalités comme Leonardo DiCaprio, etc.).
Tribune
A l’issue de cet appel à l’aide en faveur de l’océan, Emmanuel Macron prendra la parole pour clôturer ce rendez-vous financé par la fondation Oceano Azul – basée à Lisbonne – et l’organisation américaine Bloomberg Philanthropies, partenaire de l’Unoc-3. Le chef de l’Etat devrait introduire les grands enjeux de la conférence des Nations unies de Nice tout en précisant ses ambitions diplomatiques et les leviers scientifiques prioritaires en faveur d’une meilleure compréhension du grand bleu et de son exploration. «Les conclusions de cet événement seront portées sur la scène internationale, jouant un rôle clé dans l’adoption d’engagements audacieux et transformateurs en vue de l’Unoc-3», peut-on lire sur le site du ministère de la Transition écologique.
Reste à savoir dans quelle mesure les attaques de plus en plus nombreuses de dirigeants politiques contre la science et la recherche vont venir contrecarrer les ambitions françaises. En plus de licencier à tout va les fonctionnaires dans les agences fédérales œuvrant à la protection de la santé et de l’environnement depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a en effet retiré les Etats-Unis – deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde derrière la Chine et premier responsable historique du changement climatique – de l’accord de Paris sur le climat. Une décision dont les répercussions pèseront sur les écosystèmes marins et les secteurs économiques qui en dépendent.
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L’envoyé spécial du président pour l’Unoc-3, Olivier Poivre d’Arvor, également ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, se veut quant à lui optimiste sur la marche à suivre, satisfait d’observer que la diplomatie de l’océan gagne du terrain ces dernières années malgré une actualité internationale particulièrement ardue, entre guerres commerciales et conflits armés. Canal de Panama, mer Noire, Méditerranée, mer Baltique, Arctique… En parallèle de la crise du climat et de la biodiversité, les différentes guerres menées à travers le monde placent les domaines maritimes au cœur de la géopolitique mondiale.
Rôle crucial de la France
«Protéger l’océan est bien moins compliqué que de résoudre la crise du climat ou les guerres. Cela offre plus de solutions que de problèmes», avance Olivier Poivre d’Arvor. Et l’ambassadeur des pôles de rappeler le rôle crucial de la France dans les grands dossiers internationaux liés à la protection de l’océan ces dernières années. A l’instar de son engagement en faveur d’une interdiction de l’extraction minière des fonds marins à l’échelle mondiale ou de la création et de la mise en œuvre rapide du traité international pour la protection de la haute mer – le BBNJ, de l’Anglais Biodiversity Beyond National Juridiction, pour les initiés –, qui devrait permettre de mieux gérer la protection et l’exploitation des ressources de ce Far West océanique.
Un rôle largement salué par les ONG françaises de protection de l’environnement, même si celles-ci pointent aussi l’ambivalence du discours macroniste, entre les ambitieuses annonces faites sur la scène internationale et les politiques publiques menées dans le pays, notamment sur l’autorisation du chalutage de fond (technique particulièrement destructrice pour la biodiversité) dans certaines aires marines protégées tricolores.
Deux rapports seront également dévoilés à l’occasion de ce sommet. Le premier, présenté par le paléontologue et biologiste marin Bruno David, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle et Valérie Verdier, présidente directrice générale de l’Institut de recherche pour le développement, fera un état des lieux des connaissances des fonds marins. Le deuxième, dévoilé lundi par le secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann, portera quant à lui sur «l’économie de la mer à l’horizon 2050». Pour Claire Jolly, économiste à l’OCDE qui a dirigé ces travaux, cet «avant sommet» de l’Unoc est un rendez-vous «important» pour mobiliser le grand public ainsi qu’un certain nombre d’acteurs du monde de la mer tout en lançant des «messages positifs». Et de conclure : «C’est un effort non négligeable côté français pour essayer d’impulser des décisions fortes à prendre dans les mois à venir.»