Menu
Libération
Justice

Surmortalité des faucons dans l’Hérault : EDF Renouvelables condamné à de fortes amendes, les éoliennes à l’arrêt pendant quatre mois

La biodiversitédossier
Dans une décision inédite, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Montpellier reconnaît, ce lundi 7 avril, l’énergéticien responsable de la surmortalité de de faucons crécerellettes, des oiseaux protégés. Le parc éolien d’Aumelas, capable d’alimenter une ville de 60 000 personnes, est arrêté provisoirement.
Le parc éolien d'Aumelas, dans l'Hérault, en mars 2025. (Gabriel Bouys/AFP)
publié le 7 avril 2025 à 14h32
(mis à jour le 7 avril 2025 à 15h20)

Les pales des éoliennes du parc d’Aumelas vont devoir s’arrêter de tourner. Ce lundi 7 avril, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Montpellier a reconnu EDF Renouvelables et plusieurs de ses filiales pénalement responsables de la surmortalité de faucons crécerellettes, une espèce migratoire menacée de disparition en France.

La justice a ordonné la suspension pour quatre mois avec exécution provisoire des 31 géants des airs du site d’Aumelas dans l’Hérault. Dans une décision qui constitue une première au niveau pénal contre des exploitants d’éoliennes, elle a condamné chacune des dix sociétés qui exploitent le site à 500 000 euros d’amende (dont 250 000 avec sursis) et l’ancien PDG d’EDF Renouvelables Bruno Bensasson à six mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende (dont 30 000 avec sursis).

Plus de 2,5 millions d’euros d’amendes

Les entreprises devront également publier, à leurs frais, dans les journaux le Monde et Midi libre ainsi que sur le site de Reporterre, le jugement les reconnaissant coupables de la «destruction de 160 individus d’oiseaux et chauve-souris, notamment de faucons crécerellettes», a indiqué la présidente du tribunal. Outre les 2,5 millions d’euros d’amende ferme, les dix entreprises et l’ex-dirigeant doivent verser, au titre du préjudice moral, 114 000 euros à l’association à l’origine de la procédure, France nature environnement (FNE) Occitanie-Méditerranée, et la même somme à sa maison-mère. Enfin, elles devront, au titre de réparation du préjudice écologique, régler 74 087 euros à l’Etat. Une somme qui sera affectée au plan national d’actions pour la sauvegarde du faucon crécerellette.

Depuis 2006, EDF Renouvelables a investi le causse particulièrement venteux d’Aumelas, construisant progressivement jusqu’en 2014 l’un des parcs pionniers de l’éolien en France. Les engins y produisent l’équivalent de la consommation annuelle de 60 000 personnes. «Nous prenons acte de la décision et avons décidé de faire appel», fait savoir l’énergéticien à Libération, affirmant que «les mesures environnementales mises en place ces vingt dernières années (caméras de détection de l’avifaune, 78 faucons crécerellettes équipés de balises GPS, bridage sur-mesure au parc éolien d’Aumelas grâce aux données recueillies et analysées) ont permis de maîtriser les impacts du parc éolien sur la biodiversité».

«A la hauteur des gains financiers d’une exploitation illégale»

La décision rendue par les juges ce lundi est «historique» et «à la hauteur des enjeux environnementaux», réagit le juriste de FNE, Olivier Gourbinot, jugeant l’amende «à la hauteur des gains financiers d’une exploitation illégale». «La décision de suspension d’exploitation avec exécution provisoire permet de prévenir toute récidive cette année, ajoute-t-il. Elle a un effet concret pour la protection de la biodiversité.» Ce jugement devrait pousser les exploitants éoliens à ne pas minimiser les impacts environnementaux de leurs parcs, espère-t-il, précisant que son association est «favorable» au développement de l’éolien dans le pays tant qu’il respecte «le droit de l’environnement».

La procédure judiciaire rapide avait commencé en 2022 lorsque FNE Occitanie Méditerranée a introduit contre EDF Renouvelables, Bruno Bensasson, et les neuf autres sociétés, une citation directe au tribunal judiciaire de Montpellier pour «destruction d’espèces protégées» concernant le faucon crécerellette mais aussi, dans une moindre mesure, le busard cendré et de rares chauves-souris.

En décembre, lors de l’audience, le parquet avait réclamé, à la surprise générale, 750 000 euros d’amende (dont 500 000 avec sursis) pour EDF Renouvelables et ses filiales et six mois de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende (dont 100 000 avec sursis) contre l’ancien PDG Bruno Bensasson. Le tout assorti d’une suspension de l’activité du parc éolien pendant un an. EDF-R avait plaidé la relaxe.

Une espèce classée «vulnérable»

Le bras de fer entre l’association et l’énergéticien EDF-R remonte à plus d’une décennie. A partir de 2011, des cadavres ont régulièrement été retrouvés sous les pales et les mâts des éoliennes. «Entre quatre et cinq faucons crécerellettes en moyenne par an, soit environ 70 depuis le début de l’exploitation», admet EDF Renouvelables.

D’apparence aride et hostile, le site du causse d’Aumelas est «remarquable en espèces et habitats emblématiques des garrigues méridionales en bon état de conservation», au point d’avoir obtenu le label Natura 2000 en 2016 qui prône la protection de territoires représentatifs de la biodiversité européenne. La faune aviaire est particulièrement riche, avec un cortège de passereaux typique du milieu et plusieurs espèces de rapaces. Parmi eux figure le faucon crécerellette, petit oiseau migrateur d’une soixantaine de centimètres au manteau roux pour les mâles, et brun tacheté pour les femelles. L’espèce est classée «vulnérable» sur la liste rouge des espèces menacées en France tenue par l’Union internationale pour la conservation de la nature et le Muséum national d’histoire naturelle.

Puisque les éoliennes vont être à l’arrêt pour les mois à venir, les oiseaux ne devraient donc pas mourir en se fracassant sur les pales cette année. Les faucons crécerellettes arrivent en effet en avril du sud du Sahara pour nidifier sur le causse d’Aumelas. Ils ne redéploieront leurs ailes qu’à la fin de l’été afin d’entamer un nouveau long voyage en direction de l’Afrique.