Quand ce ne sont pas des branches au milieu des routes, ce sont des arbres couchés, racines apparentes, qui gisent sur les bas-côtés. Dans les Hauts-de-France, un chauffeur de camion a été victime d’une chute d’arbre. La tempête Ciaran, qui a soufflé à plus de 170 km/h sur le quart nord-ouest de la France, a fait des dégâts sur le patrimoine arboré français, déjà malmené par une série de sécheresses et d’incendies liés au réchauffement climatique. L’accalmie des vents, ce vendredi 3 novembre, n’aura été que de courte durée. Dès ce week-end, la France sera frappée plus au sud par Domingos, une nouvelle tempête «de nature à avoir aussi un impact fort [que Ciaran]», a alerté la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
En Bretagne, «on est en plein dans la crise», pose d’emblée Marie Dubois, directrice régionale de l’Office national des forêts en Bretagne. Elle n’a pas envoyé ses agents sur le terrain : «C’est encore beaucoup trop dangereux, juge-t-elle. Dans certains secteurs, les routes sont impraticables, l’électricité est coupée et il est même difficile de se joindre entre collaborateurs.» Partout dans la région, les domaines forestiers sont fermés compte tenu du «risque majeur de chute d’arbre en conséquence des vents violents et de l’humidité des sols». «On craint la curiosité des promeneurs», précise Yves Colin, directeur de la communication du conseil départemental des Côtes-d’Armor.
«Les gens sont hyper attachés à leurs forêts»
Selon lui, les accès aux massifs forestiers de la région sont «très compliqués». Impossible, donc, de mesurer l’étendue des dégâts. «Les allées sont jonchées d’arbres, certains gros hêtres sont tombés. Il faudra du temps pour dégager les accès», poursuit Yves Colin. Pour estimer les dommages dans les Côtes-d’Armor, des drones survoleront la forêt dès la semaine prochaine. «On sait d’ores et déjà qu’il y a des dégâts, principalement dans l’Ouest, dans le Trégor.»
Un autre coup de vent, qui devrait souffler entre 70 et 90 km/h, est attendu ce week-end sur ces massifs fragilisés. «Un motif d’inquiétude, reconnaît Yves Colin. Les gens sont hyper attachés à leurs forêts.» A Brocéliande, en Ille-et-Vilaine, le hêtre de Ponthus, un arbre légendaire aux branches tortueuses et vieux de 300 ans, s’est écroulé sous le poids du vent. Les messages attristés ont afflué sur les réseaux sociaux.
Témoignages
Ces prochaines heures, le programme est chargé à l’ONF breton. «D’abord, nous devons agir vite pour dégager les routes, mettre des barrières et des panneaux pour sécuriser si besoin et vérifier que les chemins soient praticables, détaille Marie Dubois. Ensuite, nous ferons un diagnostic des massifs pour reconstituer la forêt, en prenant en compte la régénération naturelle.» La forestière ne cache pas son inquiétude sur l’avenir des massifs de la région. «Nous ne sommes qu’en automne. Qu’en sera-t-il s’il y a une succession de tempêtes tout l’hiver ?»
Après la Bretagne, le littoral aquitain a lui aussi été secoué dans la nuit de jeudi à vendredi. Malgré une vigilance orange pour vents violents et des rafales à 155 km/h à Biscarrosse (Landes) ou encore à 109 km/h non loin de là, à Belin-Béliet (Gironde), les préfets ne relèvent pour l’heure pas de dégâts majeurs, mis à part quelques chutes d’arbres sur des voies. Vendredi, des vents de 80 à 100 km/h soufflaient encore et les départements aquitains sont repassés en vigilance jaune.
La mémoire des tempêtes de 1999 et 2009
«En forêt domaniale de Biscarrosse, quelques arbres se sont cassés et déracinés, mais le bilan n’est pas énorme pour le moment, explique Sébastien Gendry, de l’agence Landes Nord-Aquitaine de l’ONF. Nous redoutons surtout l’arrivée de la tempête Domingos ce week-end. On attend 100 à 120 km/h de vent sur tout le littoral, voire plus. A partir de ces vitesses, il commence à y avoir des dégâts sur les arbres, surtout s’il y a des pointes à 140 ou 150 km/h.» Ici aussi, il est fortement déconseillé de se promener en forêt jusqu’à dimanche, et l’accès aux plages est fermé.
«Quand on a connu les tempêtes de 1999 et 2009, qui ont dévasté des centaines de milliers d’hectares des Landes de Gascogne, on est toujours inquiets lorsque des coups de vent sont annoncés. Contrairement à d’autres risques, on ne peut pas mettre les arbres à l’abri. On fera le bilan en milieu de semaine prochaine», complète Bruno Lafon, président de la DFCI Aquitaine, l’association régionale de défense des forêts contre l’incendie. Il ajoute : «Sur le littoral, la forêt est sur des dunes qui ne retiennent pas la pluie, mais dans les terres, les sols commencent à être gorgés d’eau. S’il continue à pleuvoir deux jours durant et que la tempête arrive samedi, les arbres peuvent facilement tomber.»
Historique
Les forêts landaises sont essentiellement peuplées de pins qui poussent dans un sol sableux, peu efficace pour retenir les racines. Et une partie est en mauvaise santé : après les incendies qui ont calciné plus de 30 000 hectares en Gironde à l’été 2022, des scolytes, petits insectes ravageurs, en ont profité pour s’attaquer aux arbres déjà affaiblis. Sébastien Gendry met en garde : «Cela augmente la fragilité de la forêt face à des éléments comme le vent.»