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Ecologie addictive

Lancement du ticket à gratter «Mission Nature» : la préservation de la biodiversité se joue au loto

La biodiversitédossier
Si l’initiative risque de créer de nouveaux accros au jeu parmi les jeunes, associations comme institutions se réjouissent de ce bonus financier dans la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité.
Dans les zones rurales des Côtes-d'Armor, à Maël-Pestivien, le 2 mai 2023. (Fabrice Picard/Vu pour Libération)
publié le 19 octobre 2023 à 19h39
(mis à jour le 23 octobre 2023 à 11h55)

La biodiversité a touché le gros lot. Un nouveau jeu à gratter, appelé sobrement «Mission Nature», va faire son apparition chez les buralistes de France à partir de ce lundi 23 octobre. Annoncé mercredi par la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité, Sarah El Haïry, ce ticket va permettre à l’Office français de la biodiversité (OFB) de récolter près de 6 millions d’euros et de financer les 20 projets sélectionnés pour leur lien avec la restauration de la biodiversité. On y retrouve un plan de sauvegarde des tortues martiniquaises, la création de forêts anciennes dans le Grand Est ou encore la restauration des zones humides du Mont-Saint-Michel.

Vendu 3 euros, ce jeu à gratter se veut le penchant écolo du loto du patrimoine, qui depuis sa mise en vente en 2018, a permis de financer la rénovation de monuments. «Le loto du patrimoine avait très bien marché, rappelle à Libération Sarah El Haïry. Chacun a pu participer à la restauration du patrimoine culturel et architectural de notre pays. Avec ce nouveau loto de la biodiversité, c’est l’occasion de sensibiliser largement à la préservation de la nature.» C’est le nouveau mantra de la secrétaire d’Etat : l’écologie de proximité.

On imagine mal un Parisien se sentir concerné par la sauvegarde du gypaète barbu par le simple grattage d’un bout de papier. Pourtant, Sarah El Haïry le défend : à l’aide du flashcode présent sur les tickets qui permet de visualiser l’ensemble des projets, «l’idée est de faire découvrir à des personnes qui n’ont peut-être pas l’habitude de s’intéresser à ces sujets que la nature est partout, juste à côté de chez eux». Une éventualité que ne partage pas la sénatrice Les Républicains, Christine Lavarde. «Cela va attirer des personnes pas forcément enclines à jouer à des jeux de hasard, notamment les personnes sensibles à la protection de la biodiversité. Donc des jeunes», critique l’élue des Hauts-de-Seine.

L’autre point de discorde, c’est le montant récolté, «ridicule» selon les mots de Christine Lavarde. Sur les 3 euros payés par le joueur, seuls 43 centimes par ticket seront reversés à l’OFB. «Six millions d’euros au total pour 20 projets différents, ce n’est pas grand-chose en fin de compte. Il existe beaucoup d’autres moyens pour financer la biodiversité», considère la sénatrice. Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue protectrice des oiseaux (LPO), dont le projet de sauvegarde du gypaète barbu a été sélectionné, y voit «au contraire, une source de financement supplémentaire». «Ce loto, c’est une réponse à l’urgence», assure-t-il.

Le risque serait de considérer que ce loto réglera toutes les questions relatives à la préservation de la biodiversité. Allain Bougrain-Dubourg souligne par exemple que pour protéger le gypaète barbu, «il faut s’intéresser à la question des éoliennes, des pylônes à haute et moyenne tensions, ainsi que le braconnage, qui continue d’exister». «Ce loto, c’est un bonus», plaide Sarah El Haïry, pour qui, «il n’y a pas de lieu où l’on ne devrait pas parler de la biodiversité». Ce petit coup de pouce financier s’inscrit par ailleurs dans la Stratégie nationale biodiversité qui sera dévoilée dans les prochaines semaines.