Des rayons vidés de leurs paquets de pâtes ou de riz, des tablettes de chocolat et des dosettes de café absentes des étalages… Ces situations dystopiques – ou non, il n’y a qu’à voir comment la pandémie de covid 19 avait suscité une ruée dans les supermarchés pour faire des réserves – pourraient bien finir par arriver. Un rapport publié ce mercredi 21 mai par le cabinet de conseil Foresight Transitions révèle que la sécurité alimentaire est menacée en Europe. En cause : le changement climatique et la perte de biodiversité dans les pays exportateurs de ces denrées.
L’impact de ces deux facteurs a été étudié sur six aliments : le maïs, le riz et le blé, à la base de nos systèmes alimentaires ainsi que le cacao, le café et le soja, fortement utilisés dans la production agroalimentaire européenne. Le constat dressé par les auteurs est alarmant. Plus de la moitié des importations proviennent de pays vulnérables au dérèglement climatique, mettant en péril leur production. D’autant plus que ces derniers ne disposent pas de ressources financières et d’institutions suffisantes pour s’y adapter. Et les effets sont déjà visibles. Le Pakistan, l’un des principaux exportateurs de riz en Europe, a perdu 80 % de sa production à la suite des inondations dévastatrices de 2022.
A lire aussi
«Les impacts climatiques sont aggravés par la perte de biodiversité, qui rend les exploitations agricoles et les écosystèmes moins résilients face aux chocs climatiques et autres, alerte Camilla Hyslop, coautrice du rapport. Les fermes moins biodiversifiées sont plus vulnérables aux maladies des cultures, lesquelles émergent souvent à cause de la baisse de biodiversité.» Parmi les aliments étudiés, les productions de blé, de maïs et de cacao sont particulièrement mises en danger par cette perte de biodiversité.
L’industrie du chocolat en danger
Ces menaces pèsent directement sur la sécurité alimentaire européenne. Car même si l’Union européenne produit une grande partie des denrées destinées à sa consommation, elle dépend fortement des importations agroalimentaires (quelque 160 milliards d’euros en 2023).
«L’année dernière, des inondations au Royaume-Uni et en France ont réduit la production de blé, tandis que des températures élevées en Europe de l’Est ont perturbé les cultures de maïs, rendant les importations cruciales pour la sécurité alimentaire», illustre Camilla Hyslop.
A lire aussi
La filière du chocolat est la plus exposée alors que l’Union européenne est la plus grande consommatrice, productrice et exportatrice de cette sucrerie dans le monde. Les importations européennes de cacao sont principalement issues de cinq pays, menacés par le changement climatique et la perte de biodiversité : la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Nigeria en Afrique de l’Ouest, et l’Equateur en Amérique du Sud. Et les pressions environnementales se font déjà sentir là-bas, rapporte Camilla Hyslop, avec une augmentation de «41 % de la valeur totale des importations l’année dernière».
Soutenir les petits exploitants
Afin d’éviter de se retrouver dans des situations de pénuries et pour sécuriser l’approvisionnement alimentaire du continent européen, Mark Workman, directeur de Foresight Transitions et coauteur du rapport, invite les décideurs à «investir sérieusement dans la résilience climatique des producteurs partenaires, ainsi que dans les infrastructures commerciales à l’étranger». Pour lui, la relocalisation de la production est «une réponse largement insuffisante», notamment parce que l’UE fait elle-même face à des menaces climatiques et sur la biodiversité.
«Un investissement dans les organisations de producteurs d’Afrique de l’Ouest est un investissement dans l’avenir de l’industrie chocolatière européenne», affirme N’ZI Kouassi Eugène, président de l’Association des organisations professionnelles agricoles de Côte-d’Ivoire. Il partage l’avis de Mark Workman, qui est aussi une des recommandations préconisées dans le rapport, c’est-à-dire qu’il est urgent de soutenir les petits exploitants agricoles, principaux fournisseurs du cacao importé par l’Europe.