Le prochain quinquennat sera décisif pour l’environnement. D’après le dernier rapport des experts du climat du Giec, si l’humanité veut éviter la catastrophe climatique, il lui faut dès maintenant transformer en profondeur les modes de production et de consommation pour tenter d’inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre (GES), et espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C en 2050. Les programmes d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont pourtant loin d’être à la hauteur. Face à ces enjeux, Libération a listé huit mesures urgentes (et non exhaustives) à mettre en œuvre en matière de climat mais aussi de biodiversité, thématique trop souvent éclipsée.
La fin de tous les pesticides et des engrais azotés de synthèse
Les pollutions d’origine agricole sont un fléau majeur. Chaque année, environ 60 000 tonnes de pesticides sont épandues sur les cultures agricoles ou horticoles en France, élevant le pays au rang de deuxième plus gros consommateur européen, derrière l’Espagne. Un usage combiné à celui d’engrais azotés de synthèse, très polluants. Ces substances chimiques nuisent pourtant à toute la chaîne du vivant, des abeilles jusqu’aux humains, comme en attestent de nombreuses études scientifiques. Face à l’échec du plan Ecophyto qui visait à réduire de moitié l’usage des pesticides à l’horizon 2018, les ONG, à l’image de Générations futures, appellent à une politique plus ambitieuse qui en interdirait l’usage, corrélée à une refonte des pratiques agricoles.
Mettre en œuvre l’objectif de zéro artificialisation des sols
Au moins un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction dans le monde. Parmi les causes majeures de cet effondrement du vivant : l’extension urbaine qui détruit les habitats naturels. Malgré l’objectif d’Emmanuel Macron d’arriver à «zéro artificialisation nette des sols», la bétonisation est galopante. «En France, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont en moyenne consommés chaque année», d’après le ministère de la Transition écologique. Pour la Ligue pour la protection des oiseaux, enrayer le phénomène requiert notamment d’interdire la construction de nouveaux locaux commerciaux, l’installation de panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles et naturelles, et le développement de l’éolien dans les espaces naturels protégés.
Comparatif
Accélérer le développement des énergies renouvelables
La guerre en Ukraine, révélatrice de notre dépendance aux énergies fossiles, nous incite désormais à nous tourner davantage vers les énergies renouvelables (ENR). La France a de la marge puisqu’elle est à ce jour le seul pays de l’Union européenne à ne pas remplir ses objectifs en matière de développement des ENR. Si le chef de l’Etat s’est décidé à relancer la filière du nucléaire pour garantir «la sécurité d’approvisionnement» et atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050, il s’était aussi engagé à un «développement massif des énergies renouvelables pour répondre à nos besoins immédiats». Une nécessité pour sortir au plus vite de notre dépendance aux énergies fossiles et pallier les réacteurs nucléaires actuellement à l’arrêt.
Gérer durablement les forêts
En plus des océans et des sols, les forêts sont l’un des puits de carbone naturels indispensables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elles sont cependant mises à mal par les effets dévastateurs du réchauffement climatique : canicules, sécheresses, incendies… qui augmentent en fréquence et en intensité. Elles sont aussi menacées par le développement des monocultures, la systématisation progressive des coupes rases… De quoi amoindrir ses capacités de stockage en CO2. Pour y parer, Jean-David Abel, vice-président de France nature environnement, préconise de «conditionner les aides publiques à des plans de gestion durables, de redonner une feuille de route ambitieuse à l’Office national des forêts en matière d’adaptation et d’augmenter ses effectifs, tout en évitant les politiques de court terme et de greenwashing qui mettent à mal les modèles forestiers».
Interdire la vente des véhicules essence, diesel et hybride au plus tard en 2035
Le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre de la France, secteur routier en tête. Il est donc impératif d’accélérer la transition de l’industrie automobile vers des motorisations moins polluantes, en interdisant la vente des véhicules essence, diesel et hybride au plus tard en 2035. Une piste notamment proposée par la commission européenne dans le cadre du pacte vert, mais auquel se refuse le gouvernement français qui bloque toute interdiction avant 2040. Pour respecter nos objectifs climatiques, il est nécessaire de renforcer les aides aux véhicules électriques, de poursuivre le développement des bornes de recharge, de renforcer le malus au poids et de doubler les efforts au profit du ferroviaire, des transports en commun, de la marche et du vélo. De quoi remédier également à la pollution atmosphérique, responsable chaque année de plus de 48 000 morts en France.
Faire de la santé environnementale une priorité
L’impact des facteurs environnementaux sur la santé (qualité de l’air intérieur et extérieur, de l’eau, des sols, exposition aux produits chimiques, aux nuisances sonores…) suscite des préoccupations croissantes. Des pollutions qui seraient responsables de près de 25% des décès dans le monde, d’après l’OMS. En 2021, des sénateurs français appelaient à se saisir de cet enjeu majeur. «La France était, par le passé, leader sur ces sujets, en témoignent l’interdiction du bisphénol A et la politique sur les perturbateurs endocriniens, rappelle Générations futures. Il faut désormais mettre en œuvre une politique de soins et de prévention axée sur l’environnement, particulièrement les produits chimiques qui sont partout dans nos intérieurs, mais aussi l’alimentation, l’environnement au travail…»
Supprimer les subventions et les niches fiscales néfastes à l’environnement
L’exonération de taxe sur le kérosène, la moindre taxation du diesel par rapport à l’essence, l’exonération de deux ans de taxe foncière sur les propriétés bâties… Le Réseau action climat dénonce «25 milliards d’euros d’argent public néfastes au climat et à l’environnement pour la seule année 2022» à l’échelle de la France. Des engagements ont pourtant été pris : d’abord en 2010, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique – les Objectifs d’Aichi – puis lors du G7, en 2016. «Désormais, il faut que ce soit suivi d’effets», martèle l’association, qui propose notamment «la publication d’un plan d’action national de réduction et sortie des dépenses ayant un impact néfaste sur le climat et la biodiversité́ avec des échéances de temps claires».
Accélérer la rénovation énergétique des logements
Si les aides à la rénovation énergétique des logements ont été renforcées avec MaPrimeRénov’, destinée à lutter contre les «passoires énergétiques», «le rythme actuel et le niveau moyen des rénovations ne sont pas suffisants pour tenir les engagements climat», déplore la Fabrique écologique, un think tank «transpartisan». Pour réduire fortement les émissions de GES de ce secteur, la Convention citoyenne pour le climat a notamment proposé de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments (toit, isolation, fenêtre, chauffage), en contraignant les propriétaires et bailleurs afin d’atteindre un niveau de performance énergétique convenable. Autre option plus radicale : l’interdiction de louer ces «passoires énergétiques».