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Climat

A Abidjan, une COP15 pour lutter contre la désertification

La quinzième conférence contre la désertification a débuté lundi en Côte d’Ivoire pour tenter d’agir concrètement face à la dégradation des terres, aggravée par la sécheresse, et à ses conséquences dramatiques.
Le désert du Mojave, dans le sud de la Californie, le 4 mai 2022. Alors que la COP 15 se réunit à Abidjan, comme de nombreux pays, les Etats-Unis ne sont pas épargnés par la sécheresse. (Mario Tama /Getty Images. AFP)
publié le 10 mai 2022 à 14h42

La lutte contre la sécheresse figure parmi les principaux points à l’ordre du jour de la quinzième «COP désertification», qui s’est ouverte lundi et se déroulera jusqu’au 20 mai à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Organisé par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), l’événement est moins médiatisé que les désormais célèbres «COP climat». Il n’en est pas moins tout aussi crucial : selon le rapport Global Land Outlook de la CNULCD, publié fin avril, jusqu’à 40 % des terres sont dégradées dans le monde, c’est-à-dire souffrent d’un manque de nutriments plus ou moins grave, à tel point que leur productivité baisse et qu’elles se transforment parfois en poussière improductive. Avec, à la clé, des impacts sur la sécurité alimentaire, la santé, la pauvreté, les migrations ou les risques de conflits.

«Avec l’aggravation du changement climatique, les sécheresses deviennent de plus en plus fréquentes et meurtrières, elles coûtent très cher à l’économie des pays affectés et ont des conséquences sociales extrêmement graves», indique à Libération le Mauritanien Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la CNULCD. Il cite notamment la situation dramatique actuelle dans la Corne de l’Afrique, où «20 millions de personnes sont menacées de famine entre la Somalie, l’Ethiopie et le Kenya» et où «même les dromadaires meurent, alors qu’ils sont connus pour être résistants à la sécheresse, car il n’y a pas assez de points d’eau».

«Aucun pays n’est immunisé»

La dégradation des terres, aggravée par la sécheresse, provoque aussi des maladies pulmonaires telles que la tuberculose. «Les vents de sable venus du Sahara, du Moyen-Orient ou de Chine, ce sont des microparticules que nous respirons, explique Ibrahim Thiaw. Et la sécheresse de l’air provoque des méningites : il y a des épisodes pendant les périodes sèches dans les pays du Sahel, qui s’arrêtent dès la première pluie.» Par ailleurs, souligne-t-il, les femmes et enfants des pays en développement sont «affectés de manière disproportionnée par la dégradation des terres et la sécheresse : les hommes ont migré, les mères de famille sont obligées de faire de l’agriculture mais elles ne possèdent pas les terres».

Les sécheresses catastrophiques ne concernent pas que l’Afrique, loin de là. «C’est un phénomène mondial, aucune région ni aucun pays dans monde n’est immunisé», insiste Ibrahim Thiaw. Cette année, des pays tels que l’Espagne, le Portugal ou le Maroc sont affectés, c’est le cas aussi des Etats-Unis, du Moyen Orient ou de la Tchétchénie, en Russie. «On a l’impression que les Européens se considèrent comme étant protégés par la sécheresse et la désertification, or le Sud de la France est déjà affecté par la désertification, illustre aussi Ibrahim Thiaw. Même l’Allemagne, où je vis, connaît cette année une sécheresse telle que le niveau du Rhin baisse au point d’affecter la navigation sur cette artère économique extrêmement importante.»

«Urgence à agir»

Selon Ibrahim Thiaw, «il n’existe pas aujourd’hui d’outils assez forts au niveau international pour traiter ces questions de sécheresse». D’où l’importance des discussions sur le sujet lors de cette COP15. Hélas, les négociations risquent d’être «très chaudes», selon le secrétaire exécutif. «Nous avons 197 parties membres de cette convention et tout le monde n’a pas la même réponse, les points de vue divergent sur les solutions à mettre en œuvre en fonction des régions». «Il y a urgence à agir, a déclaré à l’ouverture du sommet Emmanuel Macron dans un message vidéo. La désertification et la dégradation des terres ne sont pas une fatalité. Ces crises ne sont pas irréversibles et des solutions existent.»

Parmi la panoplie de réponses envisagées figurent la mise en place de systèmes d’alerte précoce, la préparation des populations via des «plans de riposte» ou la création d’assurances pour compenser les populations affectées. Mais aussi l’aménagement de points d’eau de manière à réduire les risques de conflits entre éleveurs et agriculteurs, notamment au Sahel. Certains pays plaident pour la mise en place de mesures juridiquement contraignantes. Surtout, souligne Ibrahim Thiaw, il faut «travailler avec la nature» afin de renforcer la résilience des espaces naturels et rendre moins dramatiques les conséquences des sécheresses.