Au-dessus d’une illustration figurant un garçon réfugié sur le toit d’une bicoque en bois flottant au milieu de gratte-ciel submergés par les flots, la phrase claque en lettres rouges : «Come hell and high water», évoquant l’arrivée de l’enfer et du déluge. En couverture de son nouveau rapport annuel sur l’adaptation au changement climatique, publié ce jeudi 7 novembre, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a choisi de détourner une expression familière aux Etats-Unis, «come hell or high water» («quand bien même l’enfer ou le déluge s’abattrait sur nous»), qui indique qu’une tâche doit être accomplie quoi qu’il arrive. Avec ce sous-titre, on ne peut plus clair : «Alors que les incendies et les inondations frappent surtout les plus pauvres, il est temps pour le monde d’intensifier les actions d’adaptation». Comme l’an dernier, donc, le PNUE donne le ton d’emblée.
Un «immense fossé» entre les besoins et les flux actuels
Bien que la planète n’ait pas encore atteint les 1,5 °C de réchauffement depuis l’ère préindustrielle, même si elle s’en approche vite, les événements extrêmes, inondations meurtrières, cyclones, sécheresses ou canicules ravagent déjà l’ensemble des continents. Or, selon les dernières estimations du PNUE, faute de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le monde s’achemine vers un réchauffement «catastrophique» situé entre 2,6 °C et 3,1 °C au cours de ce siècle. Avec, à la clé, un impact toujours plus dévastateur. Il est donc «urgent d’accroître de façon significative les efforts d’adaptation au cours de cette décennie, afin de répondre à ces impacts croissants», avertit le PNUE. Celui-ci, qui publie son rapport quelques jours avant l’ouverture de la COP29 climat, le 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, appelle d’ailleurs les nations à s’emparer de cette question du financement de l’adaptation lors du sommet onusien.
Car il existe un «immense fossé entre les besoins financiers nécessaires à l’adaptation et les flux actuels de financements publics internationaux qui lui sont dédiés», déplore le rapport. Parmi ces derniers, ceux qui sont fléchés vers les pays en développement ont certes crû, passant de 22 milliards de dollars en 2021 à 28 milliards de dollars en 2022. Soit la plus forte hausse depuis l’accord de Paris de 2015, et un progrès, alors que le pacte de Glasgow de 2021 pressait les pays développés d’au moins doubler l’aide financière dédiée à l’adaptation accordée aux pays en développement d’ici 2025 – elle était d’environ 19 milliards de dollars en 2019. Cependant, note le PNUE, «même en atteignant l’objectif du pacte de Glasgow, cela ne permettrait de réduire le déficit de financement que d’environ 5 % par rapport à ce qui serait nécessaire et est estimé entre 187 et 359 milliards de dollars par an».
Un léger mieux : 171 pays ont un plan d’adaptation
Le rapport met en lumière un léger mieux : 171 pays (soit 87 % d’entre eux) sont désormais dotés d’au moins un plan national d’adaptation – c’est le cas de la France, qui en est à son troisième. Sur les 26 qui n’en ont pas encore, 10 ne montrent aucune volonté d’en préparer un. De manière générale, les actions en faveur de l’adaptation au changement climatique ont tendance à se développer, mais «cela n’est pas proportionné à l’ampleur du défi», note le PNUE. «L’échelle et la vitesse à laquelle l’adaptation se produit sont inadéquates, étant donné les risques climatiques croissants.»
Pour relever le défi, le PNUE estime qu’il faudra mobiliser des ressources financières innovantes, dans le secteur public comme privé. Il faudra aussi changer de philosophie, en s’appuyant davantage sur l’anticipation, sur une stratégie transformative et moins sur des réactions a posteriori, au cas par cas. Enfin, il s’agira de renforcer et favoriser les transferts de technologie du Nord vers le Sud, notamment en matière d’approvisionnement en eau et d’agriculture.