Une assemblée générale sous haute tension. Ce vendredi 24 mai, des militants écologistes ont bousculé le rassemblent annuel des caciques de TotalEnergies, en signe de protestation contre l’action climatique délétère du géant énergétique. Mais les forces de l’ordre ont réprimé la manifestation qui s’est tenue dans le XVe arrondissement de la capitale devant les locaux d’Amundi, l’un des premiers actionnaires de TotalEnergies. Forte de plusieurs centaines de personnes, dont plusieurs députés, la foule s’est retrouvée encerclée à partir de 11 heures, au pied de la haute tour de verre qui héberge la société.
A cette heure, 173 personnes ont été interpellées, selon la préfecture de police, qui précise à Libération que dix agents de sécurité du bâtiment ont été blessés, dont 9 ont été transportés à l’hôpital. Parmi les manifestants arrêtés : Marion Beauvalet, candidate sur la liste LFI au scrutin européen. «C’est un signal fort. La bonne humeur des actionnaires de Total est protégée, le futur et la jeunesse sont réprimés. Telle est la macronie. On a raison de se révolter», a réagi sur le réseau social X l’ancien candidat à l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon.
[🚨 ACTION] Nos activistes sont en ce moment à La Défense car nous recherchons activement le patron de @TotalEnergies, Patrick Pouyanné.
— Greenpeace France (@greenpeacefr) May 24, 2024
On vous explique tout sur l'AG des #100ansdetrop 👇[Thread 1/10] pic.twitter.com/yZj9PunjH0
Dans la matinée, c’est Greenpeace qui avait ouvert le bal pour chahuter l’assemblée générale de TotalEnergies, dans le quartier d’affaires de la Défense. Ses militants avaient déployé une banderole géante sur la façade d’un centre commercial, frappée d’un «Wanted» («recherché» en anglais) façon Far West s’étalant en lettres noires au-dessus du visage du PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. «La société civile recherche le dirigeant de l’entreprise française la plus polluante qui se fait des milliards au détriment de la planète et des populations», pouvait-on y lire. «Si vous avez des informations, surtout, ne contactez pas le gouvernement, c’est son principal complice», poursuivait le texte.
«Aucune volonté de les contraindre»
Le montant de la prime affiché par Greenpeace pour la capture de Pouyanné ? 20 milliards d’euros, comme un rappel aux résultats financiers records du groupe en 2023, soit 20,5 milliards d’euros de bénéfice net. «Nous dénonçons la stratégie climaticide de TotalEnergies, orientée vers le fossile pour amasser plus de profits, réagit auprès de Libé Edina Ifticene, chargée de campagne énergies fossiles à Greenpeace France. Cette affiche désigne le PDG car il incarne et assume cette stratégie et nous pointons le gouvernement comme complice car il n’a aucune volonté de les contraindre.»
De quoi donner le ton avant l’ouverture de l’assemblée générale de la major pétrolière, la quatrième mondiale et plus grosse entreprise du CAC40 par le bénéfice. Les actionnaires de TotalEnergies devaient se prononcer sur la stratégie climat du groupe - certains investisseurs réclamant une transition énergétique plus ambitieuse - et reconduire le PDG. Une grand-messe annuelle désormais automatiquement perturbée par les militants du climat.
En 2023
S’éloignant de l’impressionnant dispositif policier déployé à la Défense pour sécuriser le quartier d’affaires et l’AG de Total, des collectifs écologistes, anticapitalistes, féministes et de défense des droits humains ont mené des actions dans Paris pendant toute la journée pour mettre la pression sur la multinationale.
C’est ainsi qu’une camionnette blanche s’est garée dans le courant de la matinée dans le XVe arrondissement, devant les locaux d’Amundi, l’un des premiers actionnaires de TotalEnergies. Des enceintes et du matériel sont rapidement sortis par les militants, qui, en quelques minutes bloquent la route adjacente avec des cartons et installent des banderoles sur le parvis. Dans la tour, on aperçoit par la vitre des salariés qui regardent la mise en place, médusés.
De l’autre côté du bâtiment, l’ambiance est festive. Les scientifiques en rébellion sont dans leur habituelle blouse blanche, certains activistes taguent le logo d’Exctinction Rebellion et des slogans comme «liquidation totale». Des militants tentent de rentrer dans la tour, applaudis par le reste du groupe. Ils sont vite accueillis par les vigiles, lances à eau à la main. «Économisons l’eau», leur hurle une activiste. Pas particulièrement dérangés par les trombes d’eau, les contestataires continuent de forcer le passage sous les tambours. Bientôt, dans une atmosphère plus tendue, ils extirpent le tuyau des mains des agents de sécurité et l’enroulent autour de poteaux pour le rendre inutilisable. Certains brisent une porte vitrée et en arrachent une autre. Plusieurs dizaines de militants s’engouffrent dans le bâtiment et taguent l’entrée du siège d’Amundi
«Liquidation totale» devant les locaux d’Amundi. Les militants arrachent la lance à eau des vigiles. @libe pic.twitter.com/AusaN3iB9G
— Eléonore Disdero (@EDisdero) May 24, 2024
«Le but c’était de se mobiliser contre Total, mais le dispositif policier était beaucoup trop lourd à La Défense», explique Irénée Frérot, physicien chercheur au CNRS et membre des Scientifiques en Rebellion. «Ici, on dénonce ceux qui financent Total, car le consensus scientifique est très clair : il y a assez de sites fossiles existants pour dépasser les objectifs de l’accord de Paris [dont le plus ambitieux vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, ndlr].» Il ne faut plus ouvrir aucun champ d’extraction d’énergie fossile plaide le chercheur, alors que TotalEnergies a annoncé augmenter sa production de gaz d’un tiers d’ici à 2030. «Ils nous disent que le gaz est une énergie de transition, mais c’est faux, c’est du greenwashing», plaide Irénée Frérot. La fête s’est terminée avec l’arrivée sur place des forces de l’ordre sur place et le début de la nasse.
Mise à jour : le 24 mai, à 20 h 40, avec de nouveaux éléments sur les interpellations de militants ; puis samedi 25 mai, avec des précisions sur les portes brisées.