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Libération
Inquiétant

Après la canicule, la France en plein assèchement

Le niveau de presque toutes les nappes phréatiques est en baisse, 40 % d’entre elles sont moins remplies que la normale de saison, alerte la ministre de la Transition écologique, qui juge la situation «préoccupante».
Un incendie de forêt près de Fontcouverte (Charente-Maritime), dans le sud-ouest, le 5 juillet. (Idriss Bigou-Gilles/AFP)
publié le 7 juillet 2025 à 15h29

Des sols imbibés d’eau, des nappes bien remplies… L’humidité généralisée du début d’année 2025 semble déjà bien lointaine. Le printemps aride, seize jours d’intense vague de chaleur ont inversé la tendance : la France s’assèche rapidement alors que l’été commence avec deux incendies majeurs à Marseille et Narbonne. Lundi 7 juillet, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a jugé la situation «déjà préoccupante» pour les ressources en or bleu. Et d’appeler à «préserver notre capital eau et ne pas le gaspiller dans les semaines qui viennent». Lors d’un déplacement à Orléans (Loiret) auprès des équipes du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’opérateur de l’Etat qui suit le niveau des nappes d’eau, elle a invité la population à «respecter les consignes» à l’heure où 48 départements font déjà l’objet de restrictions d’eau.

Ces derniers jours, les arrêtés préfectoraux pleuvent pour renforcer les mesures : du Pas-de-Calais, où la région de Boulogne-sur-Mer a été placée en alerte sécheresse, au Lot-et-Garonne, en passant par la Savoie et la Creuse. Dix-huit départements (notamment des zones dans les Pyrénées-Orientales, l’Aude, la Gironde, la Charente, le Loiret, les Ardennes…) connaissent une situation de crise, le plus haut niveau de restrictions administratives, en raison de la raréfaction de la ressource. Ce niveau d’alerte est déclenché pour préserver les usages prioritaires tels que l’eau potable, et se traduit par une interdiction totale ou partielle des prélèvements pour l’agriculture ainsi que pour de nombreux usages domestiques (piscines, lavage des voitures, arrosages des potagers…) et pour les espaces publics.

Ressource en baisse

Ces mesures visent principalement à préserver les nappes phréatiques, principaux stocks d’eau pour l’été. Or faute de précipitations suffisantes depuis plusieurs mois, y compris en juin où elles ont été déficitaires de 30 % dans le pays, le niveau de presque toutes les ressources souterraines est en baisse. Au total, près de 40 % des nappes sont moins remplies que la normale de saison, selon de nouveaux chiffres officiels dévoilés ce lundi. La situation est bien plus dégradée que l’an dernier à la même époque, mais meilleure qu’en 2022, année de sécheresse historique.

En ce début juillet, la carte de l’état des nappes est contrastée. «La région parisienne et l’est lyonnais sont en bonne posture, nous avons un bon niveau d’optimisme. Il y a également des régions intermédiaires pour lesquelles il faut faire attention, je pense notamment à la Bretagne, à certaines zones des Hauts-de-France, au Massif central. D’autres sont déjà avec des niveaux bas voire très bas d’eau, notamment le Languedoc-Roussillon, qui depuis trois ans fait très fortement face au dérèglement climatique», a résumé Agnès Pannier-Runacher.

Des conditions propices aux feux

Malgré les averses du week-end dernier et du début de la semaine, la situation ne devrait pas s’améliorer dans les profondeurs. Il s’agit de «précipitations de surface qui ne rechargent pas notre capital en eau», a précisé la ministre. Car en période estivale, les sols et la végétation engloutissent en priorité les gouttes tombées du ciel.

Or en surface, la terre est assoiffée. «La situation est préoccupante sur la moitié nord, notamment dans la mesure où nous ne sommes qu’en début d’été, expose Christine Berne, climatologue à Météo France. Dans les Hauts-de-France, les sols superficiels sont plus secs que ce que l’on constate normalement au début du mois d’août, la période la plus sèche de l’année.» Les précipitations des jours passés ont légèrement amélioré la situation en surface, mais le thermomètre, qui devrait repartir à la hausse en fin de semaine, pourrait à nouveau causer une forte évaporation et une demande en eau accrue pour les activités humaines.

Dans la moitié sud, la situation s’est récemment dégradée mais l’état des sols demeure plus proche de la normale, sauf dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales, la Corse et localement dans les Alpes, où la sécheresse est plus marquée. A l’échelle hexagonale, la situation est pour l’heure loin d’atteindre les records de 2022, mais elle reste à surveiller car Météo France prévoit un scénario plus chaud et plus sec que la normale de juillet à septembre.

«L’été 2025 est l’été de tous les dangers», avertissait vendredi 4 juillet le ministère de la Transition écologique. Et notamment pour les incendies. Dans le bassin méditerranéen, la chaleur persistante, le manque d’humidité et le vent forment en effet un cocktail potentiellement explosif pour les feux. L’Aude, le Var et les Bouches-du-Rhône présentent un risque de feux maximal (rouge) ce lundi, et mardi le Vaucluse sera également concerné. Météo France précise que «les conditions météorologiques rendent le risque de départ et de propagation de feux de forêt et de végétation très élevé». Par précaution, l’accès à plusieurs massifs forestiers est désormais interdit dans ces départements.

«Neuf incendies sur dix sont d’origine humaine, nous avons donc tous la capacité de les empêcher», rappelle Agnès Pannier-Runacher. Samedi 5 juillet, deux incendies d’ampleur dans l’Aude et l’Hérault, désormais maîtrisés par les pompiers, ont chacun parcouru 400 hectares. Ce lundi, un feu à proximité de campings à Fréjus (Var) a été rapidement fixé, tandis qu’un important incendie a vite progressé à proximité de Narbonne (Aude) dans l’après-midi. Les habitants sont appelés à se confiner chez eux, l‘A9 est coupée dans les deux sens et 1000 hectares de végétation asséchée avaient, vers 19 heures, été détruits.